Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 3 mars 2016 à 9h05
Politique de coopération — Proposition de résolution européenne de m. michel billout sur l'étiquetage des produits des colonies israéliennes : examen du rapport de mm. louis nègre et simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

La démarche de nos collègues met en lumière un vrai problème : celui de la compatibilité de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël d'un côté et la colonisation d'une partie du territoire palestinien de l'autre, colonisation bien évidemment contraire au droit international.

Nous avons néanmoins souhaité, avec Louis Nègre, examiner ce texte avec une question en tête : cette proposition de résolution européenne du Sénat peut-elle apporter une valeur ajoutée à la position de l'Union européenne sur les colonies israéliennes ? Cette position est sans équivoque et a été réaffirmée constamment depuis 2001 : seules les frontières antérieures à 1967 sont reconnues par l'Union européenne et tout produit issu des colonies n'est pas couvert par l'accord d'association avec Israël. La Commission européenne, le Conseil et la Cour de justice ont tous repris cette antienne depuis l'entrée en vigueur de l'accord.

Le rapport qui vous a été transmis détaille les mesures prises à cet effet par la Commission européenne. Celle-ci a négocié avec Israël un arrangement technique en 2005 destiné à améliorer la traçabilité des produits en provenance des colonies et a adopté plusieurs textes, allant de l'avis aux importateurs à des directives d'exécution pour rappeler que ces produits ne pouvaient bénéficier des préférences tarifaires. Les contrôles vétérinaires au sein des colonies ne sont, par ailleurs, plus reconnus depuis 2014. La Commission applique de fait la jurisprudence de la Cour. L'arrêt Brita rendu en 2010 insiste bien sur le fait que les produits issus des colonies israéliennes sont couverts par l'accord d'association signé en 1997 avec la Palestine.

Une nouvelle étape a été franchie l'année dernière. Répondant à la demande de 16 ministres des affaires étrangères, dont le ministre français, et du Parlement européen, la Commission européenne a adopté, le 11 novembre 2015, une communication interprétative relative à l'indication de l'origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis 1967.

Le droit européen impose la mention de l'origine pour un certain nombre de produits. L'origine doit être correcte et ne saurait induire le consommateur en erreur. Dans les cas où la mention de l'origine n'est pas obligatoire, une directive de 2005 rappelle qu'en cas de mention volontaire, l'information doit, là encore, être correcte et ne peut induire le consommateur en erreur - bis repetita placent... Les États membres sont tenus de vérifier la bonne application de la législation sur les indications d'origine.

Dans ces conditions, l'indication « produit en Israël » n'est pas considérée comme correcte par la Commission européenne dès lors qu'ils sont produits au sein des territoires occupés, a fortiori s'ils sont en provenance de colonies de peuplement. La Commission européenne propose de fait deux types de mentions : « produit originaire de Cisjordanie (produit palestinien) », « produit originaire de Gaza » ou « produit originaire de Palestine » pour les produits issus des territoires occupés mais non originaires des colonies de peuplement ; « produit originaire de Cisjordanie (colonie israélienne) » ou « produit originaire du Plateau du Golan (colonie israélienne) » pour les produits issus des colonies de peuplement.

Il s'agit de suggestions de la Commission européenne. Cette communication ne crée pas, selon elle, de nouvelles normes en la matière et vise simplement à respecter la législation existante. Il ne saurait, à ses yeux, être question de mettre en place un boycott ou une interdiction des produits, mais juste de permettre au citoyen européen d'effectuer un achat en conscience. La communication ne règle pas non plus le problème de la traçabilité. Trois États membres ont, en tout cas, déjà mis en place des lignes directrices destinées à distinguer l'origine des produits en provenance d'Israël : le Royaume-Uni (depuis 2009), le Danemark (depuis 2012) et la Belgique (depuis 2014).

La proposition de résolution européenne a pour ambition de s'inscrire dans cette démarche européenne. L'exposé des motifs prévoit, dans ces conditions, la distinction entre « produits de Cisjordanie (produits palestiniens) », « produits de Cisjordanie (produits en colonie israélienne) » et « produits d'Israël ». Cette distinction est similaire à celle préconisée par la communication interprétative de la Commission européenne. L'exposé des motifs de la proposition s'en éloigne pourtant puisqu'il limite la couverture géographique des produits d'Israël aux limites de l'État hébreu en 1948.

Or, la Commission européenne, s'appuyant sur le droit international et notamment la résolution 242 des Nations unies du 22 novembre 1967, reconnaît le tracé des frontières antérieur à 1967, qui résulte de l'armistice du 7 janvier 1949.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion