Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 novembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Jacques delOrs réunion ouverte à tous les sénateurs

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Je suis d'accord avec Jacques Delors sur « l'air du temps ». Je ne le suis pas sur la nature de la crise de l'euro. Il y a eu dans la conception même de celui-ci une erreur initiale. L'entrée dans la monnaie unique repose sur cinq critères : budget, taux d'intérêt, dette, inflation, fluctuations du change ; il n'y a pas de critère proprement économique. De ce fait, certains pays ont pu entrer dans la zone euro sans qu'on leur demande de corriger des déséquilibres dont nous payons le prix aujourd'hui. L'Irlande a été acceptée sans aucune harmonisation fiscale, avec un taux d'impôt sur les sociétés à 12,5 %. Aucun critère ne portant sur la dette privée, les difficultés actuelles de l'Espagne n'ont pas été prévenues. Finalement, tout reposait sur le seul pacte de stabilité et de croissance dont l'inefficacité est aujourd'hui avérée.

La zone euro est hétérogène, les économies divergent, les écarts de compétitivité s'aggravent du fait de la politique de l'Allemagne et du laxisme d'autres pays. Les différences culturelles empêchent la mobilité du travail. Les nations demeurent une réalité. Peut-on surmonter tout cela par la seule vertu de l'esprit de coopération ?

J'approuve le constat de Paul Raoult sur la désindustrialisation de la France résultant de notre participation à l'euro, tandis que l'Allemagne s'appuie sur un tissu industriel solide et diversifié.

L'Allemagne pourrait-elle accepter des compromis, par exemple le recours aux eurobonds ? Elle a tendance à s'abriter derrière la Cour de Karlsruhe pour interpréter très strictement la clause de « non renflouement ». J'observe que les réticences et les atermoiements favorisent la spéculation. L'Allemagne pourrait-elle renoncer à l'idée, qui me paraît pour le moins étrange, de vouloir imposer aux pays déficitaires des sanctions dont les États excédentaires se répartiraient le produit ?

À moins d'initiatives très fortes, d'une réorientation complète vers la croissance, d'un improbable changement des règles du jeu, la coordination va se résumer à l'addition de plans de rigueur qui vont déprimer l'économie européenne et aboutir à l'éclatement de la zone euro.

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