Intervention de Daniel Cohn-Bendit

Commission des affaires européennes — Réunion du 13 février 2013 : 1ère réunion
Institutions européennes — Table ronde conjointe avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale et avec les membres français du parlement européen sur l'approfondissement démocratique de l'union et l'intégration solidaire avec la participation de mm. jean arthuis daniel cohn-bendit mme agnès bénassy quéré mm. jean pisani-ferry et yves bertoncini

Daniel Cohn-Bendit :

Ma position diffère quelque peu de celle de Guy Verhofstadt sur le sujet, ce dernier étant plutôt favorable aux propositions de Jean Arthuis. J'estime pour ma part que la zone euro a vocation à être constituée de toute l'Union européenne moins le Danemark et la Grande Bretagne. Je reprendrais donc volontiers à mon compte les propositions de Jean Arthuis, à condition de ne pas faire la distinction - inutile à mes yeux - entre les dix-sept membres de la zone euro et les autres États de l'Union européenne qui ont vocation à y entrer. Et les structures qu'il propose pourraient très bien être intégrées au Parlement européen, ce qui permettrait à des États comme la Pologne de ne pas se sentir exclus du dispositif. Les pays souhaitant entrer dans la zone euro doivent faire converger leur économie vers celle des pays qui en font déjà partie. Il ne restera alors qu'à signer un accord avec le Danemark puisque la Grande Bretagne se sera probablement retirée de l'Union européenne.

Je reconnais que la structure actuelle de gouvernance de l'Union européenne est tout à fait aberrante ! Cependant, et c'est là l'ironie de l'histoire, il est une institution qui a joué un rôle dans cette gouvernance, après avoir été, aux yeux de toutes les gauches européennes, le « totem et tabou » de l'Europe, l'ennemi public n° 1, le château à détruire, le mal absolu, symbole du néolibéralisme en raison de son indépendance : je veux parler de la BCE. Les gouvernements se montrant impuissants face à la crise, c'est Jean-Claude Trichet qui, endossant le rôle d'un Trésor européen, rachète les dettes souveraines, tout en insistant sur la nécessité d'organiser le fédéralisme européen nécessaire à la gestion de la crise. Puis, lorsque Goldman Sachs prend le pouvoir à la BCE, toutes les gauches européennes l'accusent, baïonnette à la main, de vouloir tuer nos États ! Cependant, les dix-sept gouverneurs de la BCE décident par un vote de poursuivre cette politique. Et non seulement le gouvernement allemand ne peut s'y opposer étant donné l'indépendance de la banque, mais cela lui évite même d'avoir à se poser la question de la mise en commun des dettes européennes ! Face à la passivité des gouvernements, la BCE fut donc la seule instance exécutive à réagir à la crise et à réfléchir à sa gouvernance européenne. On se souvient notamment qu'Angela Merkel a écarté la question du soutien à la Grèce à chaque élection locale allemande, ce qui nous a coûté des milliards d'euros et n'a d'ailleurs pas empêché son parti de les perdre, l'une après l'autre !

Mais l'on ne saurait distinguer l'enjeu - bien réel - de la gouvernance européenne de celui de son contrôle démocratique. Car, comble des aberrations, le seul parlement à avoir exercé un véritable contrôle sur l'aide européenne accordée à la Grèce fut le Bundestag - soit un parlement national ! Si tous les parlements nationaux avaient donné leur avis, cela eût été ingérable ! La seule institution qui doit avoir compétence pour exercer un réel contrôle démocratique sur ce type de politique d'aide financière est le Parlement européen.

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