Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 mai 2014 à 15h00
Politique de coopération — Relations entre la jordanie et l'union européenne - rapport d'information de m. simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour, président :

Je me suis rendu en Jordanie à l'occasion de la dixième session plénière de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée qui s'est tenue sur les bords de la Mer morte les 8 et 9 février 2014. J'ai mis à profit ce séjour pour rencontrer des responsables locaux et évoquer avec eux les liens qui unissent la Jordanie et l'Union européenne depuis 1977. Le Royaume hachémite qui, comme le Maroc, bénéficie du statut avancé auprès de l'Union européenne, est un partenaire clé dans une région marquée par le conflit israélo-palestinien depuis des décennies et, plus récemment, par la guerre civile en Syrie.

Au fil de ces événements et du Printemps arabe, les relations entre l'Union européenne et la Jordanie ont évolué. Elles sont guidées par l'objectif de renforcer l'adhésion du pays aux valeurs démocratiques mais aussi de juguler la crise économique et la dépendance énergétique et hydraulique. C'est un partenariat original au sein d'une région souvent résumée à un terrain de jeu militaire américain ou à une chasse gardée des pétromonarchies du Golfe. Le premier accord de coopération entre la Jordanie et la Communauté européenne remonte à 1977. Plus étayé, l'accord d'association entre l'Union européenne et le Royaume hachémite de Jordanie négocié en 1997 est entré en vigueur en mai 2002. Il constitue la base juridique des relations entre Bruxelles et Amman et vise à la fois à favoriser le dialogue politique, la libéralisation progressive du commerce et la promotion de la coopération dans différents secteurs. Un nouveau cap a été franchi avec l'adoption, en juin 2005, du premier plan d'action Union européenne-Jordanie, qui a facilité l'octroi en octobre 2010 du statut de partenaire avancé à la Jordanie, à l'instar de ce qui a été fait avec le Maroc.

C'est dans ce cadre que la Jordanie bénéficie aujourd'hui de plusieurs types de financements européens. Elle a reçu au titre de la politique de voisinage 223 millions d'euros entre 2011 et 2013, ainsi qu'une aide macro-financière de 180 millions d'euros en octobre 2013, sous la forme d'un prêt à moyen terme. Celui-ci est conditionné cependant à une libéralisation des secteurs de l'eau et de l'électricité, jusque-là fortement subventionnés. La Jordanie a également bénéficié après le Printemps arabe du programme communautaire Spring destiné à appuyer la transition politique sur la rive sud de la Méditerranée : 70 millions d'euros en 2012 puis 21 millions en 2013.

Cet appui aux réformes politiques dépend des engagements des autorités jordaniennes en matière de démocratisation ; or ce processus semble passer au second plan derrière la crise syrienne. L'Union européenne contribue financièrement, depuis 2011, à l'accueil des réfugiés syriens en Jordanie. Plus de 600 000 personnes ont franchi la frontière depuis le début de la guerre civile, soit presque 10 % de la population jordanienne. Il s'agit là du nombre officiel de réfugiés recensés dans les camps. On observait 527 entrées par jour sur le territoire jordanien début mars. Mais il faut y ajouter plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont pu traverser la frontière au début du conflit et se loger par leurs propres moyens sans être au préalable enregistrées.

Cette présence massive n'est pas sans incidence sur les ressources du pays, en particulier l'eau, et ses infrastructures. La concurrence des travailleurs syriens intervient dans un pays déjà fragilisé par le chômage. Les réfugiés syriens sont dans leur grande majorité pauvres, issus des zones agricoles du sud. La pression sur les loyers induite par les réfugiés quittant les camps pour les villes est également une réalité. Aux inquiétudes sociales et économiques s'ajoutent des considérations plus politiques. La politisation croissante des réfugiés, l'adhésion de certains à l'islamisme radical, le retour au pays de Jordaniens engagés dans les groupes djihadistes en Syrie suscitent l'inquiétude des autorités, qui ont la mémoire vive des attentats d'Al Qaeda à Amman en 2006. Le gouvernement jordanien insiste régulièrement sur le fait que les réfugiés n'ont pas vocation à rester sur son territoire.

La question des réfugiés syriens prend un relief particulier en Jordanie, pays déjà marqué depuis 1948 par des afflux réguliers de ressortissants des États voisins, qu'il s'agisse des Palestiniens, des Irakiens (entre 250 000 et 400 000 personnes) ou des Égyptiens. Aujourd'hui 1,95 million de réfugiés palestiniens sont enregistrés en Jordanie auprès des services de l'Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les Palestiniens au Proche-Orient (ou UNRWA). Celui-ci emploie dans la région plus de 27 500 personnes dont 120 fonctionnaires internationaux pour gérer notamment les dix camps existants sur le territoire jordanien. Je me suis rendu dans celui dit de Gaza près de Jerash pour y observer les contours de l'aide européenne. Depuis 1991, les réfugiés palestiniens n'obtiennent plus automatiquement la nationalité jordanienne et rencontrent des difficultés d'accès aux services publics et à l'emploi. Or il faut se rendre compte que ce camp de réfugiés n'est pas ceint de barbelés, c'est pour ainsi dire un village...

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