Intervention de Sylvie Goulard

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 mars 2011 : 1ère réunion
La réforme de la gouvernance économique européenne et le pacte pour l'euro rencontre avec les membres français du parlement européen en commun avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale

Sylvie Goulard, députée européenne :

Je suis l'un des six rapporteurs du paquet « gouvernance économique européenne », en charge d'un rapport sur les sanctions au sein de la zone euro. Les rapports, déposés en décembre au Parlement, font déjà l'objet de 1 800 amendements. Nous sommes en train d'élaborer un texte de compromis qui devrait être voté en Commission des affaires économiques et monétaires (ECON) au milieu du mois d'avril. Dès que le Parlement aura exprimé sa position, les trilogues commenceront, mais je doute qu'il soit possible d'en terminer avant l'été.

Nous aurons donc à trouver un certain nombre de compromis, en particulier en matière d'équilibre entre discipline et croissance. Nous en sommes tous conscients, on doit cesser de violer - même partiellement - les règles du pacte de stabilité et de croissance, comme cela a été le cas dans certains États. Il ne s'agit pas pour autant d'étrangler les populations. Nous devons choisir avec soin le rythme de réduction de la dette.

Le travail sur le « semestre européen » sera itératif. Pervenche Berès est chargée d'un rapport d'initiative sur cette question et les rapporteurs du paquet ont proposé un certain nombre de dispositions en ce sens. Il est indispensable que nous travaillions ensemble et en bonne intelligence, et c'est pourquoi je remercie tous ceux qui, comme le président Cahuzac, M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat et MM. Jean Gaubert et Jacques Desallangre, députés, ont assisté aux échanges organisés par la Commission ECON. Après une année de travail, nous en sommes encore aux tâtonnements, mais nous prévoyons des clauses de révision.

Ce qui me préoccupe, c'est le risque de fracture entre le Nord et le Sud de l'Europe, risque particulièrement douloureux pour la France. Les pays qui ont respecté scrupuleusement les règles ont des exigences de discipline que ne partagent pas les pays en grande difficulté. J'ai l'impression que la France se situe entre les deux. Parce que nous entretenons de bonnes relations avec les Allemands, d'une part, et parce que nous sommes en mesure d'entendre les gens du Sud, d'autre part, nous devons absolument parvenir à faire tenir ensemble la zone euro. La façon dont les choses se passent en Finlande ou aux Pays-Bas et la dureté de la discussion se répercutent sur notre travail au sein du Parlement. L'Europe, loin de se limiter à l'Allemagne et à la France, est faite à la fois de « triple A » et de pays demandeurs.

La demande d'automaticité dans les sanctions est extrêmement forte dans les pays du Nord. A cet égard, l'attitude de la France et de l'Allemagne qui, au début des années 2000, ont voulu échapper à l'application des procédures de déficit excessif, a laissé des traces. Cet épisode est resté dans les esprits.

Cela dit, je partage totalement les interrogations de ceux qui pensent que les systèmes automatiques ne sont pas forcément les plus appropriés et qu'il faut procéder au cas par cas car les situations sont différentes. Sur ce point, nous devrons trouver un équilibre.

L'un des aspects du débat sur le gouvernement économique, évoqué rarement en France, mais beaucoup en Allemagne, me préoccupe. Si les Allemands ont longtemps été réticents à l'émergence d'un gouvernement économique, au-delà de leur volonté de préserver l'indépendance de la Banque centrale, c'est que, pour eux, la notion de « gouvernement » implique la responsabilité devant un parlement. Cette question doit être abordée conjointement par les parlements nationaux et le Parlement européen : il ne s'agit pas de créer une accountability directe devant le Parlement européen, mais, comme Tommaso Padoa-Schioppa l'a relevé dans ses différents écrits, le Conseil, au cours des dix dernières années, a été à la fois le contrôleur et le contrôlé. Il nous faut inventer un nouvel espace, doté d'une nouvelle forme de « légitimation », forcément originale, au niveau national comme au niveau européen, et qui n'entrera pas dans les catégories préconçues.

Cette nécessité de légitimation au niveau européen se justifie par l'incidence des décisions que nous prenons pour les autres - ce qui jusqu'à présent était une sorte de « trou noir ». La crise a notamment fait apparaître que l'évolution des salaires, radicalement différente en Grèce et en Allemagne, a généré des problèmes de compétitivité relative qui, à l'intérieur d'une zone monétaire unique, se révèlent particulièrement difficiles à gérer.

J'en terminerai avec la question des incitations. J'évoque dans mon rapport la question des eurobonds, y compris pour la réduction de la dette, sous une forme extrêmement sévère, développée par le think tank Bruegel : séparation de la dette en deux parties - la dette « bleue », licite, permettant de mettre des fonds en commun, et la dette « rouge », au-delà d'un plafond, qui reste sous la responsabilité de chaque État.

La réforme de la gouvernance économique ne doit pas perdre de vue la dimension externe de l'euro et la création d'un marché susceptible d'attirer des investisseurs du monde entier, que ce soit pour financer de la dette ou des investissements. En Europe, nous avons créé une monnaie commune, mais nous ne bénéficions pas des effets positifs que représenterait la création d'un marché liquide des obligations. Pourtant, le Bund allemand représente 1 000 milliards d'euros et le marché américain des T-bonds atteint 8 000 milliards de dollars. Si l'Europe disposait d'un marché intégré, elle pourrait attirer de 5 000 à 6 000 milliards d'euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, la Chine cherche actuellement à placer 2 500 milliards de dollars ; elle les place essentiellement aux États-Unis parce qu'il n'existe pas de produits liquides sûrs équivalents en Europe.

La France, qui assure la présidence du G20 et qui a une vision globale de l'avenir du système monétaire mondial, ne doit pas perdre de vue cette question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion