Merci, monsieur le rapporteur, de l'intérêt que vous avez bien voulu accorder à notre proposition. Toutefois, je ne partage pas totalement vos conclusions. Certaines de vos affirmations sont étonnantes.
La plus grande partie de votre rapport porte sur le contenu de l'accord, alors que nous posons la question des conditions de sa ratification, sans entrer dans la discussion sur ce texte que l'on nous présente comme formidable et sans précédent. C'est une discussion qui reste à mener, et qui au demeurant commence : en tant que membre du comité de suivi stratégique du commerce extérieur, j'ai vu, début septembre, s'y exprimer de manière frappante des inquiétudes jusqu'alors masquées par le débat sur le TTIP. Autour de la table, les seuls représentants favorables à une ratification rapide étaient ceux du Gouvernement et du Medef... Nous nous sommes appuyés, dans notre proposition, sur une résolution unanime du Sénat, mais nous aurions également pu faire valoir la proposition de résolution de notre collègue Simon Sutour sur l'exception culturelle.
Certes, le mécanisme de traitement des différends a évolué en bien, après d'âpres discussions - en septembre 2014, la Commission européenne se refusait à toucher à ce qui avait été négocié. Mais la résolution unanime du Sénat allait plus loin en demandant un mécanisme modelé sur celui de l'OMC, c'est-à-dire d'État à État. Dans l'accord négocié, les grandes sociétés internationales pourront toujours attaquer les États, et ces derniers devront démontrer, pour éviter l'arbitrage, le caractère impérieux de la nécessité de légiférer. Il reste par conséquent du grain à moudre, tout comme sur les questions agricoles pour lesquelles aucune étude d'impact sérieuse n'a été conduite.
Puisque le mariage est si beau, que risque-t-on à demander un avis simple des parlements nationaux ? Ces derniers - Matthias Fekl l'a rappelé - ont été tenus entièrement à l'écart du processus. C'est en nous penchant sur le TTIP que nous avons découvert cette négociation, et par la même occasion l'accord entre l'Union européenne et Singapour, dont le caractère mixte ou non doit être déterminé par la Cour de justice de l'Union européenne. Un avis de non-mixité aurait un impact certain sur le CETA... Voilà pourquoi nous estimons que défendre jusqu'au bout le caractère mixte de cet accord a un sens.
Nous avons également reçu très peu d'assurances sur la délimitation des compétences communautaires et nationales. L'arbitrage ne relèvera pas du niveau européen parce qu'il touche davantage à l'investissement qu'au domaine commercial - je rappelle incidemment que Paris n'est pas la première place mondiale pour l'arbitrage sur l'investissement, qui concentre l'essentiel des scandales. Nous avons par conséquent trop peu d'éléments. Y a-t-il vraiment urgence ? Faut-il voir dans cette hâte des préoccupations électorales, en France et en Allemagne notamment ? L'assemblée de Wallonie vient de se prononcer. En laissant du temps aux parlements, on rassurerait les opinions publiques.
Enfin, voici ce que j'ai lu hier dans Le Monde : « Plusieurs pays, dont l'Allemagne, la Belgique et l'Autriche, émettent toutefois de sérieuses réserves face à cet accord décrié également par nombre de syndicats et partis de gauche européens. Il devra, en outre, être ratifié par les parlements des États membres de l'Union européenne avant sa mise en oeuvre en 2017 ». Nous sommes en présence d'une crise de communication, et même d'une crise démocratique.