On ne me soupçonnera pas de mal connaître le Canada, ni d'être opposé aux accords. En matière commerciale, nous sommes soumis à une pression croissante de la Chine, un État non démocratique. C'est l'argument qu'avait fait valoir devant le président Bizet et moi-même le chef des négociateurs américains du TTIP : sans le système ISDS, nous n'aurions pas d'instruments efficaces face à la Chine. Mais les temps ont changé, et les pays démocratiques peuvent procéder autrement.
Les négociations de l'accord CETA ont commencé voici plus de dix ans, et connu une interruption de deux ans : pourquoi parler d'urgence et de crédibilité de l'Union européenne ? La Commission européenne est devenue une machine à négocier et à préparer les traités, alors que le suivi fait défaut.
Le vrai fédéralisme consiste à bien délimiter les niveaux européen et national. La défiance ne pourra qu'être aggravée par le putsch institutionnel de Jean-Claude Juncker qui, en juin, a tenté d'obtenir la signature du CETA en tant qu'accord simple. Nous avons bien fait d'y résister. La Commission européenne s'est engagée dans une entreprise de self-empowerment, en dehors des règles démocratiques. Or le rôle des parlements est reconnu dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Après une première mouture du CETA élaborée fin 2013, le gouvernement fédéral canadien est revenu devant les provinces, qui ont demandé des amendements. C'est un système qui fonctionne parce que les compétences sont bien délimitées ; alors que nous, européens, sommes incapables de définir les domaines respectifs des accords mixtes et des accords simples.
Dans votre projet de rapport, vous écrivez que la prolongation pour trois ans du système ICS après un éventuel rejet de l'accord « ne trouverait à s'appliquer que dans l'hypothèse où le chapitre relatif aux investissements serait appliqué à titre provisoire, ce qui ne sera pas le cas, le dispositif ICS étant exclu du périmètre de l'application provisoire. » Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ? Si l'ICS est exclu de ce périmètre, il relève des compétences nationales ; pourquoi, dans ce cas, attend-on la décision de la CJUE ? Votre affirmation est pour le moins rapide.
On passe par-dessus les parlements. Matthias Fekl nous a expliqué que si un petit pays rejetait l'accord, on pourrait passer outre, mais qu'un rejet d'un grand pays poserait un problème politique... Nous ne savons rien. Quant à l'article 50 du Traité qui définit les conditions de retrait d'un État de l'Union, il est tellement précis que nous commençons tout juste à en débattre...
Nous ne perdons rien à prolonger la négociation. Après tout, les Canadiens sont maîtres dans cet art ; et la première rupture des négociations a été le fait de leur gouvernement, la deuxième de leurs provinces. Enfin, l'Europe est le premier marché intérieur au monde : ce sont les autres pays qui se disputent l'accès à nos consommateurs, et non le contraire.
La proposition de nos collègues est modérée, si nous la comparons à celle de l'Assemblée nationale...