Je vais essayer de mériter votre confiance ! Il y a quelques semaines, M. Bernard Saugey attirait mon attention sur un sujet qui m'était alors moins familier : les lignes directrices sur les aides d'État aux aéroports et aux compagnies aériennes et leur révision par la Commission européenne. Comme il s'agit d'une compétence exclusive de l'Union, le Gouvernement ne nous a pas soumis cette proposition. Pour autant, il nous est permis de nous exprimer puisque, après la consultation ouverte par la Commission du 3 juillet dernier au 26 septembre, les États membres ont jusqu'au jeudi 3 octobre pour lui répondre et que s'ensuivront des négociations. Le Sénat est donc pleinement dans l'actualité et dans son rôle de représentant des collectivités locales en se prononçant sur ce dossier.
La libéralisation du ciel européen est entrée en vigueur en 1997. Afin de l'accompagner, la Commission européenne a adopté des lignes directrices concernant les aides que les collectivités publiques peuvent apporter à leurs aéroports et aux compagnies aériennes en 1994 puis en 2005.
Ces règles, peu claires, ont souffert d'être mal ou pas appliquées. Et à cause de cette mauvaise application, les compagnies low cost ont bénéficié d'aides que d'aucuns jugent exorbitantes. Elles occupent désormais la première place dans le ciel européen : en 2012, leur part de marché était de 44,8 %, contre 42,4 % pour les grandes compagnies comme Air France et la Lufthansa.
Dans le même temps, par les lois de 2004-2005, la France a organisé la décentralisation de ses aéroports : les collectivités territoriales se sont vu confier leur propriété et des sociétés privées leur gestion sous la forme de délégations de service public. Afin de faire vivre leurs territoires, beaucoup de nos collectivités, comme d'autres en Europe, ont subventionné de nouvelles lignes affrétées par des compagnies à bas coût, sans se préoccuper parfois des règles imposées par Bruxelles. Les Français y ont trouvé leur compte et le low cost a trouvé sa place dans le paysage : il représentait jusqu'à 13,6 % du trafic en France en 2012. Ce n'est pas rien !
La compagnie Ryanair, pour ne pas la nommer, s'est spécialisée dans la recherche des subventions et, imposant sa puissance et ses conditions face à des collectivités locales poussées à la dépense, a obtenu des contrats subventionnés qui lui ont rapporté jusqu'à 500 à 600 millions d'euros par an. Le chiffre est parlant ! Les grandes compagnies européennes ont saisi la Commission européenne. Résultat, pas moins de vingt-sept contentieux pour la France et près d'une soixantaine en Europe, dont la quasi-totalité concerne Ryanair.
Si le secteur aérien est moins subventionné que le rail, et je ne veux pas rouvrir la bataille du rail, l'enjeu financier n'est pas neutre. Selon la direction générale de l'aviation civile, les collectivités consacrent près de 70 millions d'euros chaque année aux aéroports régionaux. De plus, comment bâtir un ciel unique européen et assurer un développement durable du territoire en laissant des compagnies pratiquer un inadmissible dumping fiscal et social ? D'où la décision de la Commission d'adopter de nouvelles lignes directrices.
Dans son projet, la Commission distingue trois types d'aides d'État, à commencer par les aides aux investissements dans les infrastructures aéroportuaires. Elles seraient dorénavant soumises à deux conditions : d'une part, l'existence d'un réel besoin en matière de transport, et, d'autre part, la nécessité d'une aide publique pour garantir l'accessibilité de la région. Le projet prévoit de fixer des taux maximaux d'aides en fonction de la taille de l'aéroport : de 75 % pour les aéroports de plus d'un million de passagers par an à 25 % pour les aéroports assurant un trafic annuel compris entre 3 et 5 millions de passagers. Au-delà de 5 millions, aucune aide ne serait autorisée, ce qui paraît d'une grande rationalité.
Les aides d'État au fonctionnement des aéroports, qui existent de fait, seraient désormais autorisées pour les aéroports de moins de 3 millions de passagers par an. Néanmoins, pour une période transitoire de dix ans seulement, et encore sous certaines conditions et de façon dégressive.
Enfin, les aides au démarrage octroyées aux compagnies aériennes pour lancer une nouvelle liaison seraient autorisées pendant deux ans et dans la limite de 50 % des coûts de démarrage. Actuellement, l'aide peut être apportée pendant 3 ans, mais dans la limite de 30 % des coûts.
Pour les aéroports de moins de 3 millions de passagers, la notification des aides dépendrait d'un régime déterminé par chaque État avec accord de la Commission. Les aides aux plus grands aéroports devraient être notifiées individuellement.
Cette proposition paraît globalement satisfaisante : avec une approche plus intégrée des aides d'État, elle apporte une clarté qui faisait défaut jusqu'alors. De plus, elle est animée par des soucis louables : celui de l'efficacité de la dépense publique et de la transparence. Gestionnaires d'aéroports, ministère des transports et même Air France y sont plutôt favorables. Autre motif de satisfaction, la volonté nouvelle, tant de la part de la Commission que de la France, de faire appliquer les Lignes directrices réformées.
Néanmoins, cette proposition comporte un défaut majeur : elle traite peu et mal des aéroports dont le trafic est inférieur à 1 million de passagers par an ! D'où cette proposition de résolution. La France compte 79 aéroports qui accueillent plus de 1 000 passagers par an. Parmi eux, 46 ont un trafic inférieur à 200 000 passagers, 17 ont un trafic supérieur à un million de passagers, 2 aéroports accueillant entre 500 000 et 1 million de passagers et, enfin, 14 entre 200 000 et 500 000 passagers. Ce sont précisément ces derniers, pourtant essentiels à nos régions, qui risquent de disparaître faute de subventions publiques. Sans compter les aéroports qui pourraient être rapidement fragilisés, je pense, notamment, à celui de Nîmes.