La Commission européenne a effectivement publié une note analytique de huit pages sur le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Prenant acte d'une Union économique et monétaire de plus en plus hétérogène, elle insiste sur la nécessité de renforcer le dialogue politique entre les États via un semestre européen rénové. Elle souhaite également que des mesures à court terme soient envisagées pour encourager les pays membres à adopter les réformes structurelles contenues dans les recommandations. L'exécutif européen ne précise pas, pour autant, la nature de ces dispositions. On ne peut pas pourtant construire la zone euro sur le seul renforcement de la surveillance budgétaire.
Je ne peux que constater un manque d'allant sur le sujet de la part de la nouvelle Commission européenne. On est loin des pistes avancées dans le rapport von Rompuy fin 2012 ou les communications de la Commission Barroso sur la capacité budgétaire dont pourrait être dotée la zone euro. Les huit pages ne contiennent aucune référence à celles-ci et encore moins au dispositif d'assurance-chômage européen un temps envisagé.
Je peux concevoir que la Commission Juncker souhaite s'affranchir de l'héritage de ses prédécesseurs, mais pourquoi ne pas reprendre l'idée de l'instrument de convergence et de compétitivité que l'équipe Barroso avait développé dans une communication en mai 2013. Ce mécanisme de solidarité visait à encourager les réformes structurelles relatives à la compétitivité et à la croissance dans les États membres. Une logique de contractualisation devrait permettre aux États membres de bénéficier d'un soutien financier pour mettre en place ces réformes. Les États membres participants contribueraient ainsi selon des modalités qui restent ouvertes. Un tel dispositif a le mérite de répondre à la question des réformes structurelles que se pose actuellement la Commission.
Que signifie par ailleurs le renforcement du semestre européen ainsi annoncé ? Le projet de rapport sur la gouvernance de l'Union économique et monétaire, présenté par Pervenche Berès au Parlement européen le 24 février dernier, contient une disposition pertinente en la matière. Il pointe en effet l'absence de diagnostic commun sur l'économie de la zone euro. Le principe du semestre européen semble se concentrer sur une revue de la situation individuelle des États membres et notamment sur leur capacité à mettre en oeuvre les réformes structurelles recommandées. Il n'existe pas de revue globale de la situation de l'ensemble de la zone pouvant permettre un ajustement plus précis des recommandations. Le two pack insiste pourtant sur le fait que l'Eurogroupe délibère sur la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble. Cette évaluation de l'orientation budgétaire agrégée apparaît essentielle afin notamment de cibler les États membres qui disposent de marges budgétaires suffisantes pour pouvoir soutenir investissements et consommation domestique et contribuer ainsi à la relance économique de la zone. Une telle appréciation de la situation globale de la zone pourrait être systématisée au sein du semestre européen. Elle n'est pas éloignée du raisonnement de la Commission européenne qui considère aujourd'hui que l'Allemagne n'investit pas assez et affecte la reprise économique sur son territoire mais aussi au sein de la zone euro.
Un nouveau rapport cosigné par les présidents de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne, du Conseil européen et de l'Eurogroupe auquel sera associé celui du Parlement européen, soit le format 4+1, devrait être présenté à l'occasion du Conseil européen de juin prochain. J'espère qu'il permettra d'avancer dans ces directions mais aussi dans le sens d'une amélioration du contrôle démocratique des décisions prises au sein de la zone euro. Je passe la parole à Fabienne Keller pour aborder ce dernier point.