Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 mai 2016 à 8h30
Politique étrangère et de défense — Régime de sanctions de l'union européenne à l'encontre de la fédération de russie : proposition de résolution européenne de mm. yves pozzo di borgo et simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Le 4 juin 2015, Yves Pozzo di Borgo et moi-même vous avions présenté un rapport d'information sur le régime de sanctions prises par l'Union européenne à l'encontre de la Fédération de Russie.

Notre rapport rappelait le contexte dans lequel ces sanctions avaient été prises, à savoir l'annexion de la Crimée et le conflit dans l'Est de l'Ukraine. Il précisait le cadre juridique des sanctions, leur contenu et leurs conséquences, qui sont tant politiques qu'économiques, et ce pour l'ensemble des parties, la Russie ayant pris des contre-sanctions de nature sanitaire. Enfin, notre rapport, après avoir rappelé le contenu des accords de Minsk négociés dans le format « Normandie » et le rôle important que la France et l'Allemagne y ont joué, évoquait l'après-sanctions.

Un an plus tard, nous pouvons constater que les sanctions européennes ont été prolongées à plusieurs reprises : jusqu'au 23 juin prochain pour les sanctions visant la Crimée, jusqu'au 31 juillet pour les sanctions économiques sectorielles et jusqu'au 15 septembre pour les sanctions individuelles ou visant des entités. Le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains doit de nouveau aborder la question de la prolongation de ces sanctions.

Dans la perspective de cette échéance, le Sénat doit prendre position en adoptant une résolution européenne sur ce sujet particulièrement important, comme l'a déjà fait l'Assemblée nationale. Nous adresserions ainsi au Gouvernement un double message qu'il serait invité à faire passer préalablement au Conseil européen : mettre en évidence les limites de la situation actuelle, qui ne saurait être indéfiniment prolongée, et donc la nécessité d'avancer, tout en proposant une solution à la fois concrète et réaliste de sortie de crise. Je précise que nous avons travaillé avec notre président Jean Bizet, mais aussi avec le président du Sénat, Gérard Larcher, et bien entendu avec le ministère de Affaires étrangères. Ce type de résolution aux enjeux européens et internationaux nécessite une certaine convergence.

Notre démarche est partie d'un triple constat. Premièrement, nous ne devons pas regarder comme un fait accompli l'annexion de la Crimée par la Russie, qui est contraire au droit international. Certes, chacun connaît les conditions du rattachement de la péninsule à l'Ukraine par Khrouchtchev en 1954 dans un ensemble qui était alors soviétique, mais il est indéniable que la Russie a violé le droit international en portant atteinte à l'intégrité territoriale, à la souveraineté et à l'indépendance de l'Ukraine.

Deuxièmement, les sanctions et contre-sanctions, régulièrement renforcées et prolongées, ont altéré les relations de l'Union européenne avec la Russie - les sommets UE-Russie sont suspendus depuis plus de deux ans. Bien sûr, la détérioration de la situation économique en Russie est largement due à la baisse du prix du pétrole et à la dépréciation du rouble, mais les sanctions européennes n'arrangent rien. Dans le même temps, les embargos sanitaires russes pénalisent les produits agro-alimentaires européens, en particulier la filière porcine française. Ajoutons que les États-Unis qui poussent l'Union européenne à maintenir ses sanctions continuent de commercer allègrement avec la Russie.

Troisièmement, l'appréciation de la situation dans le Donbass est soumise aux accords de Minsk qui constituent la seule voie conduisant à une solution d'ensemble du conflit dans l'Est de l'Ukraine. La mise en oeuvre complète de ces accords est indispensable et doit conditionner la levée des sanctions. Le Conseil européen des 19 et 20 mars 2015 a d'ailleurs clairement établi une corrélation entre les deux. Or, ces accords, qui reposent sur un équilibre de contreparties réciproques, ne sont pour l'instant mis en oeuvre que de façon partielle : la situation sécuritaire sur le terrain demeure précaire et le volet politique des accords de Minsk, en particulier la décentralisation en Ukraine et la tenue d'élections locales dans le Donbass, n'avance guère.

Dans ce contexte difficile, notre proposition de résolution européenne propose un dispositif réaliste et équilibré, de manière à trouver le plus large consensus possible sur un sujet qui demeure très sensible pour nous tous.

Nous pensons - c'est notre objectif essentiel - que la Russie est un partenaire stratégique non seulement de la France, mais aussi de l'Union européenne. C'est pourquoi il faut sortir de cette logique contreproductive de sanctions et de contre-sanctions. Certains ministres français, Stéphane Le Foll et Emmanuel Macron notamment, ont exprimé leurs réserves sur ces sanctions, et plusieurs États membres sont réticents à les reconduire sans cesse. Pour autant, nous ne pouvons pas le faire de façon inconditionnelle ou abstraite, comme si nous ignorions ce qui s'est passé.

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