Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 mai 2016 à 8h30
Politique étrangère et de défense — Régime de sanctions de l'union européenne à l'encontre de la fédération de russie : proposition de résolution européenne de mm. yves pozzo di borgo et simon sutour

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Les parlements européen et français n'ont jamais été consultés sur les décisions qui ont conduit à mettre en place ces sanctions à l'encontre de la Fédération de Russie. Les décisions de l'exécutif et des diplomates sont nécessaires ; il ne faut pas pour autant écarter du jeu les parlements nationaux.

La proposition de résolution équilibrée et réaliste que nous vous proposons devrait faire l'objet d'un débat avec le Gouvernement en séance publique, après son examen par la commission des affaires étrangères. Nous connaissons la position du Gouvernement : les sanctions visant la Russie ne seront levées que lorsque les accords de Minsk auront été appliqués. Cette position est aussi celle de l'Union européenne telle qu'elle l'a notamment exprimée au Conseil européen de mars 2015 et rappelée lors du Conseil des Affaires étrangères du 14 mars dernier.

Nous savons que la Chancelière Angela Merkel et surtout le Président François Hollande ont joué un rôle décisif dans la conclusion des accords de Minsk. Avec ceux-ci, nous avons une feuille de route et il faut s'y tenir, d'autant plus que sa mise en oeuvre n'est pas aisée, même si des avancées sont constatées par rapport à la situation qui prévalait avant le 12 février 2015. Y renoncer, ne serait-ce que partiellement, serait un très mauvais signal adressé aux protagonistes sur le terrain.

Notre objectif ultime doit être de dénouer la crise ukrainienne le plus rapidement possible, dans l'intérêt de chacune des parties. L'Ukraine a un besoin urgent de réformes d'envergure, à la fois économiques et politiques, et ne peut légitimement pas avancer avec un conflit dans ses provinces orientales. À ce titre, je rappelle l'initiative du président Larcher sur la contribution du Sénat dans la mise en oeuvre du volet politique des accords de Minsk relatif à la décentralisation, grâce à une coopération avec la Rada pour l'élaboration de la révision de la Constitution ukrainienne. L'économie de la Russie pâtit des sanctions européennes. L'Union européenne a gelé ses relations avec la Russie, ce qui la gêne pour relever les défis communs tels que la lutte contre le terrorisme, la sécurité internationale, la situation au Proche-Orient ou encore les négociations climatiques. Elle peine à faire aboutir le partenariat stratégique que nous appelons de nos voeux, et à appliquer son accord d'association avec l'Ukraine. Enfin, les États membres souffrent à la fois des opportunités perdues sur le marché russe et des effets des contre-sanctions russes, comme le montre la crise de la filière porcine en France. Leur unité est mise à mal par des débats sur l'opportunité de prolonger les sanctions.

Nous vous proposons d'aller plus loin que la simple application des accords de Minsk, en prévoyant une levée progressive et différenciée des sanctions sous conditions. En premier lieu, les sanctions économiques sectorielles seraient progressivement allégées en fonction de progrès significatifs et ciblés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk au regard de l'évolution de la situation prévalant le 12 février 2015. Ensuite, et selon les mêmes conditions, les sanctions diplomatiques et politiques feraient l'objet d'une réévaluation. En particulier, les discussions en vue de la tenue de réunions bilatérales de haut niveau entre les États membres et la Russie pourraient reprendre. Enfin, le Gouvernement pourrait appeler nos partenaires européens à lever sans délai les sanctions individuelles visant les parlementaires russes, car elles constituent indéniablement un obstacle au dialogue politique : la présidente du Conseil de la Fédération, par exemple, ne peut se rendre ni en France, ni en Europe.

Naturellement, l'allégement de ces sanctions européennes devrait s'accompagner de mesures identiques du côté russe. Nous pensons plus particulièrement, bien sûr, aux sanctions sanitaires. Nous savons que le Gouvernement a déjà entrepris des démarches auprès de la Commission, des États membres et de la Russie pour obtenir la levée rapide de ces embargos qui aggravent la situation déjà fragile du secteur agricole français et européen. Il serait notamment envisageable de parvenir à un allégement progressif de l'embargo sanitaire dans les pays qui ne présentent pas de cas de fièvre porcine africaine - c'est le cas de la France.

Cette proposition de résolution ne constituerait qu'une première étape. En effet, les relations de l'Union européenne avec la Russie sont trop stratégiques pour être retenues indéfiniment en otage d'un débat récurrent sur les sanctions. Elles méritent mieux et doivent pouvoir se projeter au-delà du dossier ukrainien. Je rappelle d'ailleurs que, parmi les cinq principes directeurs pour les relations avec la Russie que le Conseil Affaires étrangères a approuvés en mars dernier, figure « la possibilité d'une coopération sélective avec la Russie sur des questions présentant un intérêt pour l'UE ».

Nous traiterons d'ailleurs la façon d'aller de l'avant dans ces relations dans un prochain rapport que nous entendons présenter à la commission avant la fin de l'année.

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