Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 mai 2016 à 8h30
Politique étrangère et de défense — Régime de sanctions de l'union européenne à l'encontre de la fédération de russie : proposition de résolution européenne de mm. yves pozzo di borgo et simon sutour

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Je remercie les rapporteurs. Je ne pourrai pas voter cette résolution faussement modérée. Nous avons parlé de la filière porcine et pas de la situation dans le Donbass : c'est là tout le problème. Cette résolution nie l'implication de la Russie dans le Donbass, au point qu'on pourrait presque se demander à quoi servent les accords de Minsk. En outre, un certain nombre d'embargos étaient déjà en place avant 2014, notamment celui sur l'Ukraine qui date de l'été 2013.

Les accords de Minsk ont renouvelé la situation en Ukraine : la ligne de front ne bouge plus de manière significative. Cependant, on constate tous les jours des violations de cessez-le-feu et on a encore fait état d'une dizaine de morts depuis le début de la semaine. Même dans un pays démocratique, il est difficile de mettre en oeuvre une réforme constitutionnelle. C'est d'autant plus le cas en Ukraine. On pourrait croire que les Russes n'aident plus les séparatistes et que c'est désormais aux Ukrainiens de changer leur constitution. Comment pourraient-ils accepter un changement de Constitution alors qu'ils savent parfaitement que les autorités ukrainiennes n'auront pas la possibilité d'aller dans les territoires occupés et qu'elles ne pourront exercer aucun contrôle près de la frontière ?

Dans un pays qui a le même système économique que l'ensemble de la CEI, on pourrait évidemment mettre en cause la corruption. Cependant, les subventions au gaz qui servaient à l'enrichissement des oligarques ont été liquidées.

Qu'on le veuille ou non, nous ne sommes pas le Congrès américain et nous ne jouons aucun rôle dans la mise en place des sanctions. Je crains surtout qu'on souligne notre impuissance. Si nous prenons une position en décalage avec celle du Gouvernement, nous risquons d'affaiblir la position de notre pays, notamment dans le format « Normandie ». En outre, pour que les sanctions soient levées, il faudrait préciser la nature des violations en cause.

La négociation sur les visas russes a été gelée depuis la crise ukrainienne. Pourquoi ? Ce n'est pas être anti-russe que de constater que cette négociation a été interrompue au moment de la crise ukrainienne. On ne peut pas supprimer un régime de visas sans négociation sur l'État de droit et un certain nombre d'autres points.

Même si l'on supprime toutes les sanctions, la situation n'évoluera pas, car les sanctions américaines continueront à courir et les entreprises françaises en feront toujours les frais. Goldman Sachs a toutes les autorisations pour faire des financements sur la Russie ; les banques françaises ne les ont pas. Nous aurions tout intérêt à demander au Gouvernement de faire en sorte que les entreprises françaises et américaines soient à égalité plutôt que de sanctionner uniquement les nôtres. Négocions avec les États-Unis pour que les sanctions soient coordonnées.

Nous sommes tous un peu fascinés, ou au moins admiratifs, devant l'implication de la Russie en Syrie. En comparaison, depuis cinq ans, notre politique au Moyen-Orient a été bien moins efficace. On ne peut pas cependant tout accepter. Cette résolution semble moins défendre des valeurs que des intérêts. Je crois pourtant que la sécurité européenne ne se construit pas sur de telles bases, mais sur la solidarité des États entre eux. On ne peut pas faire dépendre l'indépendance d'un peuple européen de l'intérêt que l'on pourrait retirer d'un accord avec un autre pays européen. C'est toute la situation ukrainienne. Voulons-nous signer le retour à l'Europe de Yalta où l'avenir de certains pays européens se discutait entre blocs ? Je ne le crois pas.

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