Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 mai 2016 à 8h30
Politique étrangère et de défense — Régime de sanctions de l'union européenne à l'encontre de la fédération de russie : proposition de résolution européenne de mm. yves pozzo di borgo et simon sutour

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Je vous remercie de vous être exprimés sur un sujet qui entraîne manifestement un certain nombre de crispations. Les standards démocratiques de la Russie sont assez éloignés des valeurs européennes. Chaque époque a sa vérité et les choses seront jugées sur le long terme. L'objectif est de rallier peu à peu la Russie à nos valeurs.

Je rends hommage à nos deux rapporteurs, et spécialement à Simon Sutour. Même si le droit d'amendement reste ouvert, cette proposition de résolution a été mesurée au trébuchet par les rapporteurs, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères et le président du Sénat. Je ne suis pas tout à fait étranger non plus aux dispositions sur la levée de l'embargo sanitaire. Je suis allé voir M. Andriukaitis, le commissaire européen chargé de la sécurité sanitaire, il y a une dizaine de jours. J'ai également fait une nouvelle démarche auprès de lui, dimanche dernier, lors de la réunion de l'Office international des épizooties, en plein accord avec le président du Sénat. Le ministre de l'agriculture russe, M. Tkatchev, était présent. Les deux hommes se sont rencontrés, alors qu'ils ne se parlaient pas depuis deux ans. C'est la politique des petits pas, ou la realpolitik.

On peut reprendre certaines petites modifications techniques, comme celle qu'a suggérée M. Gattolin à l'alinéa 4, sur le Conseil du 19 janvier, ou la suppression de la répétition du mot « reprise » à l'alinéa 18. On peut également alléger l'alinéa 21, en supprimant « selon les estimations du Gouvernement ». Pour le reste, le texte a été pesé et soupesé au trébuchet.

J'ai noté le vote négatif de Jean-Yves Leconte et l'abstention d'André Gattolin. Ce texte est plus équilibré que celui de l'Assemblée nationale. C'est tout à l'honneur du Sénat.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté - M. Jean-Yves Leconte votant contre et M. André Gattolin s'abstenant - la proposition de résolution dans la rédaction issue de ses travaux.

1. Le Sénat,

2. Vu l'article 88 4 de la Constitution,

3. Vu les conclusions du Conseil européen du 6 mars 2014 et des 19 et 20 mars 2015,

4. Vu les conclusions du Conseil Affaires étrangères de l'Union européenne du 3 mars 2014, du 17 mars 2014, du 22 juillet 2014, du 19 janvier 2015 et du 14 mars 2016,

5. Regrettant que la Fédération de Russie ait autorisé le recours à la force sur le territoire ukrainien le 1er mars 2014 puis annexé la Crimée le 20 mars 2014 après un référendum considéré comme dépourvu de validité par les Nations unies ;

6. Regrettant la situation dans certaines régions de l'Est de l'Ukraine qui a conduit à un conflit entre l'armée ukrainienne et des forces se déclarant pro-russes et défiant l'autorité de l'État ukrainien ;

7. Soulignant qu'à la suite de ces événements, l'Union européenne a progressivement mis en place un régime de sanctions à l'encontre de la Russie qui comporte des mesures politiques et diplomatiques, des sanctions individuelles ou visant des entités, et des sanctions économiques sectorielles, au détriment des populations et des entreprises ;

8. Soulignant que ces sanctions ont été complétées, renforcées ou prolongées à plusieurs reprises, en fonction de la dégradation de la situation en Ukraine ou de l'absence de progrès constatés ;

9. Observant qu'en réaction aux sanctions européennes, la Fédération de Russie a décidé le 7 août 2014 de mettre en place des sanctions, en particulier un embargo sur les produits alimentaires pour une durée d'un an, et qu'elle l'a prolongé pour la même durée en août 2015 ;

10. Soulignant qu'à la suite de plusieurs initiatives diplomatiques, la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine, réunies en format « Normandie », ont obtenu la signature des accords de Minsk, qui constituent la seule voie conduisant à une solution du conflit dans certaines régions de l'Est de l'Ukraine ;

11. Rappelant la contribution du Sénat dans la mise en oeuvre du volet politique des accords de Minsk relatif à la décentralisation, en particulier la coopération mise en place avec la Rada lors de l'élaboration de la réforme constitutionnelle ukrainienne en ce sens ;

12. Constatant le caractère partiel de la mise en oeuvre de l'ensemble de mesures du 12 février 2015 sur l'application des accords de Minsk ;

13. Constatant dans le même temps que les sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Fédération de Russie et les sanctions russes ont des conséquences négatives, sur le plan tant économique que politique, pour l'ensemble des parties, et sur les relations entre l'Union européenne et la Russie ;

14. Réaffirme son attachement indéfectible à l'intégrité territoriale, à la souveraineté et à l'indépendance de l'Ukraine et condamne l'annexion de la Crimée par la Russie, comme il ressort de la résolution 68/262 de l'Assemblée générale des Nations unies du 27 mars 2014 ;

15. Regrette la détérioration des relations entre l'Union européenne et la Russie et considère que le rétablissement de relations confiantes et solides est indispensable pour relever les défis communs et aboutir au partenariat stratégique avec la Russie que le Sénat appelle de ses voeux ;

16. Invite toutes les parties à mettre en oeuvre, dans les meilleurs délais et dans leur intégralité, l'ensemble de mesures du 12 février 2015 en vue de l'application des accords de Minsk ;

17. Appelle de ses voeux un allègement progressif et partiel du régime des sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Russie, en particulier des sanctions économiques, en liant cet allègement à des progrès significatifs et ciblés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk par rapport à la situation prévalant au moment de l'adoption, le 12 février 2015, de l'ensemble des mesures sur l'application des accords, et invite le Gouvernement à poursuivre les négociations avec la Russie et l'Ukraine, dans le cadre du format « Normandie », ainsi qu'avec ses partenaires européens ;

18. Invite le Gouvernement, selon les mêmes conditions, à réévaluer les sanctions diplomatiques et politiques et à préconiser en particulier la reprise des discussions en vue de la tenue, dans un premier temps, de réunions bilatérales de haut niveau entre les États membres de l'Union européenne et la Russie ;

19. Invite le Gouvernement à appeler ses partenaires européens à lever sans délai les sanctions individuelles visant les parlementaires russes, qui constituent un obstacle au dialogue parlementaire et politique ;

20. Invite le Gouvernement à s'assurer que l'allègement ou la levée de sanctions européennes s'accompagne nécessairement de mesures du même ordre de la part de la Fédération de Russie ;

21. Rappelant les initiatives du Gouvernement pour obtenir la levée de l'embargo phytosanitaire et des contremesures russes visant le secteur agricole, invite celui-ci à renforcer ses démarches vis-à-vis de la Russie, en liaison avec la Commission européenne et les États membres de l'Union européenne, afin d'obtenir la levée rapide des embargos, y compris ceux adoptés avant la crise ukrainienne, tel que l'embargo sur certains produits porcins - qui aggravent la situation d'un secteur agricole déjà fragilisé ; souligne en particulier que ces embargos entraînent des pertes importantes pour la filière porcine française ;

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