Intervention de Joaquín Almunia

Commission des affaires européennes — Réunion du 28 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Joaquin Almunia commissaire européen chargé de la concurrence

Joaquín Almunia :

J'ai oublié de répondre à Jean-Pierre Sueur sur les actions collectives qui permettent d'obtenir des réparations en cas d'infraction aux règles de la concurrence : j'ai présenté un projet de recommandation au Conseil et au Parlement en juin 2013 pour parvenir à une approche commune et convergente au niveau européen. Il n'y a pas de consensus à ce sujet. Certains pays membres ont une législation, mais les décisions des autorités de la concurrence, nationales ou européenne, rencontrent des difficultés d'application. Cette recommandation pourrait concerner aussi bien les actions individuelles que collectives. Le texte a été voté hier en commission au Parlement européen. Nous sommes donc prêts à entamer le trilogue, Commission, Parlement et Conseil. Comme les textes adoptés par chacune des trois instances ne sont pas très éloignés, un texte commun est envisageable avant la fin de la législature européenne en avril. La nouvelle directive offrirait des indemnisations beaucoup plus équitables et compatibles avec les autres types de sanctions.

Gaëtan Gorce m'a interrogé sur la gouvernance d'Internet : dans certains domaines, nous avançons, même si c'est difficile. Ainsi en est-il du respect des données privées. Pour ce qui est de la fiscalité, la règle de l'unanimité est malheureusement très contraignante, mais l'instrument des aides d'État peut être utilisé pour promouvoir une plus grande équité dans le traitement des questions fiscales. Mais les aides d'État peuvent être utilisées pour améliorer l'équité au sein d'un État, pas pour rétablir une égalité de traitement entre deux États membres (il faudrait alors l'unanimité des États).

Pour créer des champions européens, nous devons encourager les initiatives, les créateurs, les entrepreneurs. Les chefs d'entreprise disent que le gros avantage qu'ils trouvent aux États-Unis, c'est la facilité à mobiliser des financements, à attirer des talents... Il nous faut créer un environnement adéquat, et supprimer les barrières entre les États. Des intérêts particuliers et contradictoires empêchent l'émergence de grands groupes de l'Internet en Europe.

La Commission européenne, fin 2013, a signé un accord avec un certain nombre de banques, qui ont accepté de payer 1,7 milliard d'euros d'amende. Si le système de clémence n'existait pas, UBS ne nous aurait pas donné les informations dont elle disposait et nous aurions eu du mal à découvrir le fond de l'affaire, peut-être même ignorerions-nous encore ces collusions, qui ont eu d'énormes répercussions sur le marché des produits dérivés et qui ont bénéficié aux seules institutions manipulatrices. Leurs traders savaient à l'avance comment le marché allait se comporter, comme un chasseur qui saurait où le lion va se montrer... Certes, il est décevant qu'une banque échappe à l'amende, mais sans ces informations, pas d'amende non plus pour les autres, pas d'affaire ! Trois institutions bancaires et un courtier ont refusé de participer à l'accord final, si bien que l'investigation se poursuit à l'encontre du Crédit Agricole, de HSBC et de JP Morgan.

Nous menons une investigation similaire sur des produits dérivés de taux d'intérêt. Enfin, nous examinons de possibles manipulations de taux de change. Ces mauvaises pratiques ont perduré faute de régulation, de transparence, de responsabilité des managers ; or leurs conséquences économiques peuvent être considérables. Nous sommes en train de corriger cela. Il est temps de réactiver le respect des valeurs. Le système financier utilise l'argent des entreprises et des citoyens, ce n'est pas le sien ! La politique de la concurrence est l'instrument le plus efficace contre ces mauvais procédés.

François Marc a évoqué ma conférence de presse du 14 novembre : le nouveau règlement général d'exemption sera adopté avant le mois de juin pour toutes les activités culturelles, les aides d'État n'auront plus à être notifiées au préalable. Bien sûr, les règles de concurrence continueront à s'appliquer, et en cas de plainte nous mènerons des investigations.

En tant que citoyen, je ne prendrai pas le risque d'acheter un bitcoin. C'est aussi risqué que les produits financiers opaques à l'origine de la crise actuelle.

Nous avons pris bonne note des observations reçues sur les aéroports. Nous adopterons dans un mois de nouvelles lignes directrices prévoyant davantage de flexibilité pour les aéroports recevant moins de 500 000 passagers. Je précise aussi que si nous consultons des comités d'experts, en revanche nous ne leur confions jamais le soin de décider à notre place !

La balance commerciale et la balance des comptes courants de la zone euro s'améliorent. Le taux de change entre euro et dollar ne me paraît donc pas un sujet majeur. Bien sûr, les exportateurs le souhaiteraient plus bas, les importateurs plus haut - et les citoyens ne veulent pas d'inflation. Il n'y a pas de solution simple en économie ! Je comprends les préoccupations de chacun. Je note toutefois que certains pays gagnent des parts de marché quand d'autres en perdent, alors qu'ils partagent la même monnaie.

Vous avez raison : il n'est pas raisonnable que les principaux États membres - Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, et même mon propre pays... - ne se concertent pas dans le choix de leur mix énergétique. Certes, dans le traité fondateur, cette décision revient en pleine souveraineté à chaque État membre et la Commission n'a pas son mot à dire. Je souhaiterais toutefois, quels que soient les termes du traité, que les responsables politiques de ces pays discutent entre eux de ces questions, car les divergences de stratégie énergétique ont des conséquences notables, supportées par tous les citoyens d'Europe.

Je ne partage pas votre point de vue sur le dumping social, mais la décision du nouveau gouvernement allemand d'augmenter le salaire minimal devrait vous rassurer quelque peu.

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