Intervention de Michel Barnier

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 mars 2012 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Audition de M. Michel Barnier commissaire européen au marché intérieur et aux services

Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services :

Messieurs les Présidents, Madame la Rapporteure générale, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Merci pour cette nouvelle invitation collective de la part de vos trois commissions que je connais bien. A titre préliminaire, je tenais à vous dire que mes expériences passées de sénateur et d'élu local me servent tous les jours dans mes fonctions actuelles.

Il y a un peu plus d'un an, le 25 janvier 2011, j'étais venu faire le bilan de ma première année en tant que Commissaire européen.

J'ai voulu revenir aujourd'hui devant vous, avec une ambition très simple : faire le point sur l'action européenne qui me semble parfois méconnue ou passée sous silence.

Je ne suis pas venu vous dire que tout va bien en Europe mais comment l'Europe a fait face depuis deux ans à des crises sans précédent, comment elle a réalisé des avancées majeures et comment elle s'attache à répondre aux vraies questions posées par la crise.

Cela dit, cette succession de crises a conduit l'Europe à proposer des solutions inédites, en matière de gouvernance, de régulation financière et de croissance. Pour la première fois depuis un an et demi, le dernier Conseil européen n'a pas été un conseil de crise. Nous sommes sur la bonne voie.

Ces avancées, trop de candidats, à gauche comme à droite, ont tendance à les nier, ou à se les approprier tout en reprochant à la Commission de ne rien faire.

Je veux ici rétablir la vérité en répondant à trois grandes questions récurrentes :

- Est-ce que la Commission en fait assez en matière de régulation financière ?

- Est-ce que la régulation financière européenne ne risque pas de pénaliser la croissance ?

- Est-ce que l'Europe est capable de proposer autre chose qu'un projet d'austérité ?

Première question : la Commission européenne en fait-elle assez ? A la lecture de certains programmes, on pourrait en douter, tant ils présentent comme nouvelles des idées qui ont déjà été proposées ou discutées au niveau européen.

Ainsi, il a été proposé de séparer les activités des banques jugées utiles à l'économie de leurs activités spéculatives. Or, voila deux ans que nous mettons en place des règles qui ont précisément pour objet de ramener les banques à leur métier de base - prêter à l'économie.

Quelques faits :

J'ai proposé d'interdire aux banques, dans la révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers, dite « MIF », proposée en octobre 2011, de mener des activités spéculatives sur les plateformes de négociation financières qu'elles détiennent elles-mêmes !

Depuis le 1er janvier 2012, grâce à la directive « CRD III », les activités à risque sur les marchés sont strictement encadrées par des garanties exigées des banques. C'était un engagement du G 20, l'Europe l'a mise en oeuvre.

Parallèlement, nous encourageons les prêts à l'économie et notamment aux PME grâce un régime favorable proposé dans la directive « CRD IV » en cours de discussion. J'ai demandé, avec mon collègue Antonio Tajani, à l'Autorité bancaire européenne si on pouvait aller plus loin et j'attends un rapport à ce sujet pour le mois de juin prochain.

S'agissant de la séparation, je crois qu'il faut éviter l'improvisation et la rhétorique. Le modèle des banques dites « universelles » n'a pas provoqué la crise.

Certains considèrent que ce modèle est plus résistant avec ses deux piliers (banque de détail et banque d'investissement) qui permettent une meilleure diversification du risque. Cela dit, c'est une vraie question. Les Britanniques se sont engagés sur la voie d'une séparation entre banque d'investissement et banque de détail. Les Etats-Unis, quand à eux, ont ciblé les activités spéculatives avec la règle dite « Volcker ». J'ai donc demandé à Erkki Liikanen, président de la banque centrale de Finlande, de conduire un travail approfondi avec un groupe d'experts indépendants pour faire des propositions sur le sujet. Ce groupe de neuf experts, dont le français Louis Gallois, produira un rapport pour la Commission à la fin de l'été. Le but n'est pas de plaquer un modèle sur l'Europe, mais de bien identifier les risques et de définir les moyens les mieux adaptés pour les prévenir.

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