Intervention de Colette Mélot

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er décembre 2016 à 9h00
Économie finances et fiscalité — Proposition de résolution européenne de mme brigitte gonthier-maurin mm. michel billout et éric bocquet sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir : rapport de mmes colette mélot et patricia schillinger

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Nos collègues souhaitent que les dépenses publiques d'enseignement supérieur ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics. Estimant à juste titre que le développement de l'enseignement supérieur est un élément déterminant pour l'avenir de l'Union européenne et de ses États membres, le texte milite pour que les dépenses publiques y afférant ne soient pas prises en compte dans l'estimation par la Commission européenne du déficit public. Les signataires de la proposition considèrent qu'une telle disposition devrait permettre à l'Union européenne de parvenir à l'objectif de 2 % de dépenses publiques en faveur de l'enseignement supérieur. Il s'agit du principal biais pour atteindre cet objectif faute de compétence développée de l'Union européenne en ce domaine.

Les dépenses publiques en faveur de l'enseignement supérieur peuvent relever de deux logiques : il s'agit en tout état de cause d'investissements et elles peuvent participer de la mise en oeuvre de réformes structurelles. Aux termes de sa communication du 13 janvier 2015, la Commission considère qu'un État dispose d'une certaine marge pour déroger à ses objectifs budgétaires dès lors que les dépenses constatées concourent à des investissements ou à des réformes structurelles. La réforme italienne dite de la buona scuola en faveur de l'enseignement a été intégrée par la Commission européenne dans son appréciation de la situation budgétaire de ce pays en 2015. L'Italie a ainsi été autorisée à s'écarter de ses objectifs budgétaires initiaux.

Aller plus loin paraît peu réaliste et pourrait rajouter à la confusion actuelle entourant l'application du pacte de stabilité et de croissance. Depuis la communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne a en effet décidé de prendre en compte de nouveaux facteurs susceptibles d'affranchir dans une certaine mesure les États des objectifs du pacte de stabilité et de croissance. Je pense à l'accueil des réfugiés. Les dépenses destinées à faire face à la crise des migrants ne devraient donc pas être intégrées à l'évaluation des soldes budgétaires pour les années 2015 et 2016, dans le cadre de la procédure du semestre européen. Le président de la Commission européenne a estimé, de son côté, le 18 novembre 2015, que « les dépenses de sécurité de la France devraient être exclues des calculs entrant dans le champ des règles de l'Union européenne sur les déficits ». Plus récemment, la Commission européenne a pris en compte les dépenses liées aux tremblements de terre qui ont fragilisé l'Italie en octobre et en août dernier.

La multiplication de ces dérogations ne suscite pas l'adhésion unanime du Conseil. L'Allemagne s'était déjà montrée réservée sur l'absence de concertation préalable entre la Commission européenne et les États au moment de la parution de la communication, en janvier 2015, tandis que la France ou l'Italie se déclaraient très favorables à ce nouveau dispositif. Des interrogations subsistent également quant à la façon d'évaluer les réformes structurelles ou sur les limites à apporter à l'application répétée des clauses de flexibilité. Le Conseil Ecofin a émis une position commune sur cette question, le 8 décembre 2015. Les États ont ainsi décidé d'imposer des limites claires aux clauses de flexibilité. L'application de la clause d'investissement est mieux encadrée : les gouvernements doivent désormais soumettre des informations détaillées sur les projets d'investissements au service de réformes structurelles. Ils doivent fournir, dans le même temps, une évaluation indépendante de ces investissements, en mettant notamment en avant l'impact estimé, à long terme, sur la situation budgétaire.

Dans ce contexte, il apparaît assez délicat de proposer une nouvelle dérogation. D'autant que plusieurs observateurs jugent que les clauses sont déjà trop nombreuses, inefficaces et opaques, ainsi que le soulignaient nos collègues Fabienne Keller et François Marc dans leur rapport sur la phase I de l'approfondissement de la gouvernance de l'Union économique et monétaire, présenté début novembre. La proposition de résolution européenne jointe au rapport, que nous avons alors adoptée à l'unanimité, juge que la multiplication des clauses de flexibilité au pacte de stabilité et de croissance observée depuis 2015 contribue, indirectement, à renforcer l'opacité autour de ce dispositif sans pour autant que ces clauses apparaissent toujours efficaces. Le texte appelait de fait à une clarification politique en ce domaine. Approuver la mise en place d'une nouvelle dérogation apparaîtrait donc contradictoire avec le texte que nous avons voté.

Compte tenu de nos réserves sur ces points du texte, nous vous recommandons de ne pas adopter la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement sur l'avenir. Il sera temps de revenir plus en détail sur cette question, si le président en est d'accord, dans un rapport plus approfondi.

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