Intervention de Fabienne Keller

Commission des affaires européennes — Réunion du 5 juin 2013 : 1ère réunion
Transports-réglementation et fiscalité des poids lourds texte e 8284 : rapport d'information et proposition de résolution de mme fabienne keller

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Initialement circonscrit aux mégacamions, ce rapport a été élargi au fret routier européen, compte tenu de l'actualité du sujet. Le 13 juin 2012, le vice-président de la Commission européenne, M. Siim Kallas, a précisé par courrier à M. Brian Simpson, président de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen, les règles de franchissement de la frontière entre la Suède et la Finlande par des mégacamions, poids lourds de 25,25 mètres utilisés pour l'heure dans ces deux seuls États. Cette lettre a suscité une double émotion : celle des parlementaires européens d'une part, devant l'empiètement présumé de M. Kallas sur leurs compétences ; celle des élus et des autres acteurs du fret d'autre part, hostiles à toute mesure susceptible de favoriser la circulation de poids lourds, à plus forte raison de dimensions inconnues jusqu'alors sur nos routes.

L'actualité du fret routier n'a cessé de s'enrichir depuis. D'abord avec la généralisation des 44 tonnes en France, plafond que les poids lourds peuvent atteindre depuis le 1er janvier 2013, quelle que soit la nature de leur chargement ; ensuite avec le remplacement de l'expérience alsacienne en matière de taxe poids lourds par un nouveau dispositif expérimental à l'échelle nationale à compter du 1er juillet, en attendant l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds le 1er octobre ; enfin avec la nouvelle proposition de directive relative aux poids et dimensions des camions - chantier engagé depuis le 15 avril - soumise au Sénat dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.

Premier des quatre défis européens que le fret routier devra relever dans les mois à venir : les dimensions et les caractéristiques pondérales maximales des véhicules circulant sur les routes de l'Union européenne. À l'exception de la Suède et de la Finlande, tous les États membres de l'Union européenne, ainsi que la Suisse, le Liechtenstein, la Norvège et l'Islande, limitent à 16,50 mètres la longueur maximale de leurs camions et semi-remorques, et à 18,75 mètres pour les camions tractant une petite remorque - elle-même limitée à 7,82 mètres. Si aucun ne peut être contraint d'accepter la circulation de véhicules plus importants, tous sont libres de repousser ces limites pour les besoins de leurs transports internes.

Le franchissement de la frontière séparant deux États ayant accordé des dérogations sur leur territoire pouvait prêter à controverse. Selon M. Kallas, le trajet total ne fait qu'additionner deux trajets destinés chacun à satisfaire un besoin interne - importation ou exportation. La proposition de directive COM (2013) 195 du 15 avril dernier confirme ce raisonnement, et autorise le franchissement d'une seule frontière intra-communautaire par des mégacamions quel que soit le nombre d'États ayant accordé une dérogation. Quand bien même l'Espagne, la France et l'Allemagne auraient franchi le pas, aucun poids lourd de 25,25 mètres ne serait autorisé à traverser la France pour livrer d'Espagne en Allemagne.

La portée de cette règle varie toutefois selon la position géographique de l'État considéré, les plus centraux disposant des plus grandes possibilités de faire circuler leurs mégacamions. Au contraire, les transporteurs portugais, par exemple, ne pourront utiliser de mégacamions que pour aller en Espagne, à condition que les deux pays les autorisent.

Deuxième enjeu : la volonté de la Commission européenne de libéraliser le cabotage routier. La directive en vigueur limite les opérations de cabotage à trois livraisons au cours des sept jours qui suivent la fin de la livraison internationale, aucune opération de cabotage n'étant autorisée avant le déchargement intégral de la marchandise provenant de l'État membre d'origine.

Le cabotage routier abaisse les prix sur le marché des transports intérieurs, car l'entreprise qui pratique cette activité l'utilise pour éviter à ses poids lourds un retour à vide, après avoir comparé le prix qu'elle peut obtenir en pratiquant un tarif, même très bas, avec l'incidence du cabotage sur le coût du trajet retour. Les bas salaires versés achèvent d'évincer purement et simplement les entreprises du pays d'arrivée. Notez à ce propos que la France pratique les coûts par conducteur et par an les plus élevés, compte tenu du salaire brut, des cotisations patronales, de frais de déplacement et du calcul du temps de travail. Nous sommes loin devant l'Allemagne de l'Ouest et l'Espagne standard, et très loin devant l'Allemagne de l'Est et la Slovaquie.

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