L'expression désigne ici les Länder de l'Est. Ces données proviennent du Conseil national routier. Elles sont calculées non sur une base nationale, mais en fonction de l'origine géographique et des salaires pratiqués. Les chiffres mettent également en lumière une Espagne low cost, là où des résidents d'origine sud-américaine ont intégré en nombre le marché du travail.
La limitation du cabotage joue donc un rôle crucial pour la plus ou moins bonne santé économique du fret routier dans tout État membre fortement importateur. Par nature, le cabotage routier ne pourrait jouer de rôle négatif substantiel pour les entreprises routières d'un pays principalement exportateur. Ses effets contrastés expliquent que la Commission européenne manque aujourd'hui de soutien dans sa volonté de le libéraliser.
Le groupe de haut niveau mis en place par la Commission a suggéré une évolution qui serait dévastatrice pour les entreprises françaises de fret routier : d'une part la durée totale du cabotage serait certes limitée à trois jours après la fin d'un transport international, mais le nombre d'opérations internes de cabotage serait illimité ; d'autre part, les poids lourds pourraient réaliser des opérations de cabotage sans transport international préalable pendant 30 ou 50 jours par an selon les caractéristiques environnementales des véhicules. Cela constituerait un pas vers l'ouverture intégrale du fret routier européen à la concurrence interne, alors que la disparité des conditions sociales nationales - notamment salariales - permet difficilement de parler d'un « marché libre et non faussé ». Les règles sociales dans notre pays conduisant au coût horaire de conduite le plus élevé, la France serait particulièrement touchée.
Troisième défi à relever : les contrôles du respect du code de la route, de la législation sur le temps de conduite et des poids maximaux autorisés. Pour des raisons notamment linguistiques, ces contrôles sont une vraie gageure. Sur ce plan, la proposition de directive favorise opportunément la mise en oeuvre de dispositifs utilisant les derniers acquis techniques pour repérer plus aisément les poids lourds en infraction pour ce qui concerne la vitesse et les poids maximaux.
Dans le même esprit, mais relevant d'un autre texte, les progrès des discussions engagées sur l'introduction d'un tachygraphe « intelligent » font espérer un plus grand respect des temps de conduite des chauffeurs. Les délais de mise en oeuvre paraissent bien longs, si l'on en juge par l'accord informel du 14 mai dernier relatif à la révision du règlement du 15 mars 2006. Les spécifications techniques des nouveaux tachygraphes devraient être définies vers 2015, les véhicules munis des nouveaux dispositifs obligatoires mis sur le marché vers 2018, ce qui repousse l'équipement complet du parc roulant à l'horizon 2030.
Quatrième et dernier enjeu, dont la mise en oeuvre est susceptible de motiver bientôt une initiative législative de la Commission européenne : l'intermodalité du télépéage pour les poids lourds. La France y est particulièrement attentive, en raison de l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds au 1er octobre 2013.
Le droit européen n'oblige pas les États membres à faire payer les véhicules routiers. Si un État membre met en oeuvre un péage, spécifique ou non aux poids lourds, aucune directive n'impose de prévoir un télépéage. Mais dès lors que le télépéage existe au plan national, il doit en principe respecter les spécifications techniques assurant l'interopérabilité des équipements embarqués à bord des véhicules.
J'en viens à quelques précisions sémantiques utiles. La vignette désigne en droit européen tout système de tarification valable pour une certaine durée, indépendamment du kilométrage parcouru. Notre vignette automobile française, maintenue pour les utilitaires, et notre taxe à l'essieu relèvent de cette catégorie. Le péage, au sens du droit de l'Union, est caractérisé par une facturation assise sur le kilométrage parcouru. Tel est bien le cas des péages en vigueur sur les autoroutes concédées ; tel sera aussi le cas de la taxe poids lourds.
Rappelons que le recouvrement de la taxe poids lourds est confié à la société Ecomouv' dans le cadre d'un partenariat public-privé. L'acquittement de la taxe est rendu possible par l'équipement électronique de chaque poids lourd, détecté par les systèmes de télépéage des autoroutes. Le système du télépéage routier sera interopérable dès sa mise en oeuvre. Mais, parmi les six dispositifs de télépéage autoroutier, trois ne sont pas compatibles avec les normes édictées par la Commission européenne dans sa décision 2009/750 du 6 octobre 2009. Ils devront donc être modifiés d'ici le 1er octobre pour que les poids lourds circulant en France n'aient qu'un seul équipement à bord.
La proposition de directive qui nous est soumise paraît raisonnable, comme le sont les textes envisagés pour améliorer les contrôles, même si les délais de mise en oeuvre du tachygraphe intelligent devraient être réduits. Il faut en revanche s'opposer à toute libéralisation du cabotage routier : les entreprises françaises en souffriraient, tout comme l'environnement, puisque la pression à la baisse des prix rendrait ce mode de transport plus attractif que le fret fluvial ou ferroviaire, moins polluants.
Une concertation doit être menée sur les moyens de rendre nos entreprises de fret plus compétitives. Naturellement, l'effort principal doit porter sur une plus forte harmonisation fiscale et sociale, afin de réduire des disparités manifestement excessives. Mais nous devons aussi nous interroger sur la divergence de nos coûts horaires avec ceux de l'Allemagne. Cela n'est pas contradictoire avec les préoccupations écologiques. Il faut bien sûr encourager les moyens de transport les plus respectueux de l'environnement, mais le transport routier est et restera indispensable. L'enjeu est de savoir si la France conservera ses entreprises et ses emplois dans le secteur, ou si le marché sera pris de plus en plus par d'autres, sans le moindre bénéfice pour l'environnement.