Intervention de Fabienne Keller

Commission des affaires européennes — Réunion du 5 juin 2013 : 1ère réunion
Économie finances et fiscalité — Avancée des négociations de la coopération renforcée sur la taxe sur les transactions financières

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Non, car je reconnais que sous la pression des adversaires de la taxe comme de ses avocats inquiets de la montée des hostilités et après l'intervention officieuse de la BCE, la Commission a commencé à admettre que son projet devra être modifié. Plusieurs points achoppent aujourd'hui.

Tout d'abord, l'extraterritorialité. Selon le projet, la taxe devrait être perçue en dehors de la zone TTF et sa collecte confiée aux chambres de compensation et des plates-formes de trading . La Commission indique qu'il reviendra aux pays participants de signer des accords bilatéraux ou multilatéraux avec les pays non participants pour s'assurer de leur coopération dans la récolte et le reversement de la taxe. Elle mise aussi sur des dispositions d'engagements solidaires et conjoints qui inciteraient les institutions financières des pays participants à ne travailler qu'avec des institutions qui coopèrent sur la taxe, même si elles sont en dehors des pays soumis à la TTF. Ces dispositions incluraient naturellement les plates-formes de trading, les chambres de compensation et les dépositaires centraux des pays participants.

À cause de l'extraterritorialité, seul un long travail de persuasion et de négociation pourrait rendre possible la mise en oeuvre de la taxe telle que la conçoit la Commission.

Deuxième difficulté, la taxation des fonds de placements. Plusieurs États membres de la coopération renforcée veulent empêcher la taxation des fonds de pension et de l'ensemble des fonds communs de placement, car la taxe amoindrira les retraites. Dans le cas des fonds communs de placement, il s'agit d'une double taxation puisque la taxe serait perçue à l'intérieur de l'enveloppe lors des arbitrages et à l'extérieur au moment d'entrer ou de sortir du fonds. La Commission accepterait l'idée d'exonérer de la taxe le premier achat et la première vente des parts du même fonds par un même souscripteur.

Enfin l'absence d'un traitement particulier du marché du « repo » inquiète les banques. En effet, en l'état actuel du projet, ces transactions qui portent essentiellement sur des obligations seraient taxées à 0,1 %.

Or, le marché du « repo » (ou pension livrée) constitue le poumon du refinancement bancaire, grâce auquel les banques se prêtent des liquidités en échange de titres qui sont souvent des obligations. Cette détention qui s'apparente à un prêt est par définition de courte durée et prélever un impôt sur ces échanges renchérirait sensiblement l'opération au moment même où les banques centrales s'efforcent de diminuer le coût de l'argent. La Commission sous-entend que les banques peuvent se dispenser de ce marché et se tourner vers les banques centrales... Quant aux fonds monétaires et aux obligations à court terme, ils ne sont pas mieux traités.

La France a rappelé son opposition à la taxation des obligations d'État et demande de les exonérer sur le marché secondaire. La Commission ne se prononce toujours pas sur l'élargissement des exonérations.

C'est dans ce contexte d'inquiétude généralisée que la BCE est intervenue, contre toute attente, par la voix de Benoît Coeuré, son vice-président. Elle a proposé ses bons offices pour redessiner les contours de la taxe afin de gommer tout effet négatif. Tout en soulignant qu'il n'entre pas dans son rôle statutaire de se prononcer sur la taxe, la BCE a confirmé implicitement qu'elle avait des réserves sur les conséquences de la taxe sur les marchés comme sur l'économie réelle.

Le projet de la Commission devrait connaître des modifications substantielles dans les semaines qui viennent. Il serait question d'élargir les exonérations, d'abaisser les taux et de reporter la taxation des obligations et des dérivés à 2017. Il semble que la BCE s'accommoderait plutôt d'une TTF sur le modèle de la Stamp Duty britannique.

La Commission ne souhaite plus communiquer sur ces atténuations possibles des effets négatifs de la taxe, mais le projet de TTF n'est plus à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres des finances programmé le 21 juin prochain.

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