Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 mai 2015 à 8h35
Environnement — Perspectives de l'union européenne pour le climat et l'énergie : communication de mme fabienne keller et m. jean-yves leconte

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Monsieur le Président, chers collègues, merci de nous donner, à Fabienne Keller et moi-même, l'occasion de vous présenter, pour en débattre avec vous, les principaux enjeux de la négociation sur le changement climatique. Il s'agit d'un thème majeur et de très long terme pour la planète. C'est aussi, à brève échéance un défi pour la France, qui va précisément accueillir les représentants des États du monde en décembre pour tenter de franchir une étape majeure dans ce combat.

La 21ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique - usuellement dénommée COP 21 - réunira en effet en décembre, à Paris, les 195 États membres de cette Convention internationale signée à Rio, au Sommet de la Terre, en 1992.

Deux ans plus tôt, en 1990, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, avait publié son premier rapport où il décrivait l'impact des activités humaines sur le réchauffement climatique dû au développement exponentiel des gaz à effet de serre (GES).

Cette convention fondatrice a érigé le système climatique en une ressource partagée, menacée par les émissions de gaz à effet de serre provoquées ou aggravées par les activités humaines. Les engagements qu'elle a assignés à tous les États parties relevaient cependant plus de la promesse et du symbole : publier un inventaire des émissions, lancer des programmes nationaux d'atténuation, coopérer sur la recherche, etc.

La Convention Climat repose sur deux piliers. Le premier est l'atténuation, qui vise à réduire les sources de gaz à effet de serre ou à développer les puits qui absorbent ces gaz, comme les forêts. Le deuxième est l'adaptation, qui concerne les mesures d'ajustement - écologiques, sociales ou économiques - qu'adoptent les États en réponse aux changements climatiques actuels ou à venir.

Pourtant, lorsqu'on évoque les accords internationaux sur le climat, on évoque bien plus Kyoto que Rio et la Convention-cadre de 1992. Pourquoi ?

Dès 1997, lors de la 3ème Conférence des Parties à la Convention-cadre - la COP 3 - réunie à Kyoto, a été adopté le protocole du même nom, destiné à combler les manques de la Convention et assigner des ambitions chiffrées de réduction d'émissions et à les rendre, cette fois ci, contraignantes.

Kyoto est donc à ce jour le seul instrument international juridiquement contraignant visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre ; il n'engage que 38 pays - à comparer aux 195 signataires de la Convention climat. Il n'est cependant entré en vigueur qu'en février 2005. Les États-Unis ne l'ont pas ratifié et le Canada s'en est retiré. Le Protocole de Kyoto avait essentiellement défini un objectif global de réduction de 5 % des émissions par rapport à 1990, pendant la période 2008-2012, pour les pays économiquement les plus riches (pays de l'OCDE et pays « en transition » d'Europe centrale et orientale).

En compensation des objectifs contraignants, l'accord proposait aux États des mécanismes de flexibilité. On en recense trois : un mécanisme de marché ; un mécanisme de développement propre (MDP) ; enfin la « mise en oeuvre conjointe » (MOC). Nous les détaillerons tout à l'heure. La Convention-cadre et Kyoto ont généré un processus continu de négociations sur le climat, rythmées par les rapports successifs du GIEC, dont le dernier - le 5ème - a été publié à l'automne dernier.

À la COP 18 en 2012 à Doha les États ont décidé une deuxième période d'engagement 2013-2020 du protocole de Kyoto et adopté un échéancier pour l'adoption d'un accord universel sur le climat d'ici 2015 - nous y sommes - pour une entrée en vigueur en 2020. Ce sera l'objet du « Protocole » ou de l'Accord de Paris.

Pourquoi une telle urgence et cette relative dramatisation ?

Le GIEC a publié en novembre 2014 dernier son 5ème rapport, destiné à actualiser, évaluer ou réévaluer les données scientifiques recueillies depuis la création de cet organisme en 1988. Les changements climatiques vont présenter, au cours des prochaines décennies, de nombreux risques pour nos sociétés. Ainsi la hausse du niveau des mers projetée au cours du 21ème siècle, mais aussi au-delà de 2100, pourra générer une multiplication des phénomènes de submersion, d'inondations côtières et d'érosion des côtes.

Pour avoir des chances de rester sous la barre des 2° C, les scénarios de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre requièrent des améliorations rapides de l'efficacité énergétique, et une multiplication par 3 ou 4 de la part des énergies sobres en carbone dans la production d'énergie d'ici à 2050.

Il faut donc avoir présent à l'esprit que l'impact de ces évolutions climatiques - inondations, submersions, etc. - sont aussi autant de menaces nouvelles pour la sécurité. Il en est de même en termes financiers, par exemple par le renchérissement des coûts d'assurances et la dépréciation des valeurs des actifs. Cela oblige donc l'ensemble des États à coordonner leurs actions pour essayer de rester sous la barre des 2° C d'augmentation de la température de la planète.

En quoi peut-on dire que l'Union européenne mène depuis longtemps une politique assez exemplaire en matière de climat ?

Le Protocole de Kyoto prévoyait une réduction de 5 % des gaz à effet de serre en 2012 par rapport au niveau de 1990. Si l'objectif est loin d'être atteint au niveau mondial (34 % d'augmentation), il a en revanche été rempli par l'Union. Dès 2012, ses émissions ont été à leur niveau le plus bas depuis 1990. Les émissions totales de gaz à effet de serre de l'Union européenne ont marqué un recul de 19,2 % par rapport à 1990.

Au cours de la deuxième période d'engagement (2013-2020), les émissions totales devraient, d'après les projections des États membres, être en moyenne inférieures de 23 % aux niveaux de l'année de référence (2005). L'Union est donc en voie d'atteindre son objectif de Kyoto pour la deuxième période d'engagement, voire de le dépasser.

On peut noter, ce qui était loin d'être acquis, un bon découplage entre l'activité économique et les émissions de GES. Entre 1990 et 2012, le PIB global de l'Union européenne a augmenté de 45 %, tandis que les émissions totales de GES ont reculé de 19 %.

Le Conseil européen d'octobre 2014 a approuvé un objectif contraignant consistant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'Union d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Par ailleurs, un objectif contraignant d'au moins 27 % est fixé au niveau de l'Union en ce qui concerne la part des énergies renouvelables dans sa consommation énergétique à l'horizon 2030. Enfin, un objectif indicatif d'au moins 27 % est fixé au niveau de l'Union Européenne pour améliorer l'efficacité énergétique à l'horizon 2030.

Ce sont ces engagements, ambitieux, qui sont repris dans la contribution de l'UE au Secrétariat de la Convention Climat en préparation de la COP 21 et déposée, parmi les premiers, avant le 31 mars dernier.

Le 25 février dernier, la Commission a par ailleurs publié une communication par laquelle elle décrit sa vision de l'accord de Paris : un accord transparent, dynamique et juridiquement contraignant, assorti d'engagements équitables et ambitieux pris par toutes les Parties. L'objectif doit être de réduire les émissions mondiales d'au moins 60 % par rapport aux niveaux de 2010 d'ici à 2050. Tous les pays devraient être encouragés à participer au financement de la lutte contre le changement climatique, au développement et au transfert de technologies, et au renforcement des capacités.

De quels outils dispose la Communauté internationale - et pour commencer l'Europe - pour inciter les États et les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ?

Chaque État, en vue de la COP 21, va déclarer ses « engagements » dont la totalisation deviendra l'objectif contraignant pour les Parties au futur traité pour rester sous la barre des 2 degrés d'augmentation. Les États de l'Union européenne fonctionnent bien, mais qu'en est-il là où les États ne sont pas en situation de contrôler leurs entreprises, dans les zones où les États sont défaillants ? Par conséquent, cette approche « par le haut » n'est pas forcément adaptée pour tout le monde. L'Union européenne est donc un bon modèle de volontarisme, respectueux des souverainetés de chacun, pour réduire ses émissions de carbone.

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