Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 mai 2015 à 8h35
Travail — Initiative pour l'emploi des jeunes : communication de mmes pascale gruny et patricia schillinger

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous avons été chargées avec Patricia Schillinger de préparer un rapport sur la convergence sociale en Europe. Nous avons souhaité commencer nos travaux en abordant la question du chômage des jeunes. Cette question nous apparaissait importante car elle a fait l'objet d'une action spécifique de l'Union européenne en juin 2013, sur laquelle nous allons revenir pour tracer un premier bilan. Elle nous rappelle en outre, que la première manifestation de la convergence sociale en Europe tient, paradoxalement, à cette absence d'emploi pour les plus jeunes dans la plupart des États membres de l'Union européenne. Le taux de chômage des moins de 25 ans s'établit à 21,4 % au sein de l'Union européenne, soit plus de 5 millions de personnes. En intégrant les jeunes qui ne sont pas inscrits auprès des régimes d'assurance chômage, le nombre des jeunes sans emploi ou sans formation, on atteint 7,5 millions de personnes.

Mais revenons tout d'abord sur la garantie pour la jeunesse, lancée par l'Union européenne au printemps 2013. Aux termes de celle-ci, les États membres doivent veiller à ce que tous les jeunes sans emploi ou sans formation de moins de 25 ans - les NEETs - puissent, dans les quatre mois suivant leur sortie du système scolaire ou du marché du travail, bénéficier d'une offre de qualité, qu'il s'agisse d'un emploi, d'un stage, d'une formation ou d'un apprentissage. Afin de concrétiser cette ambition, l'Union européenne a mis en place un fonds dédié, l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), doté de 3,2 milliards d'euros sur la période 2014-2020. Le Fonds social européen (FSE) a, dans le même temps, dégagé une enveloppe d'un montant équivalent. À la différence du volet FSE, les financements au titre de l'IEJ ne requièrent pas de cofinancement. Au total, ce sont donc 6,4 milliards d'euros qui sont dévolus à l'emploi des jeunes en Europe. Afin de créer un effet levier, le Conseil européen du 28 juin 2013 a décidé de concentrer la majorité des financements sur les années 2014 et 2015.

Ces crédits sont destinés au financement des mécanismes de garantie pour la jeunesse mis en place par les États membres. Les aides européennes sont cependant concentrées sur les régions enregistrant un taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans supérieur à 25 %. Au total, ce sont 20 États sur 28 qui peuvent bénéficier d'un financement au titre de l'IEJ. L'enveloppe accordée à la France s'élève à 620,2 millions d'euros dont 431 gérés directement par l'État.

Les États membres devaient, pour pouvoir bénéficier de ces crédits rapidement, présenter des programmes opérationnels. La France a été le premier État à transmettre le sien. Au 4 février 2015, 85 % des ressources totales de l'IEJ étaient déjà fléchés vers des projets concrets. En France, on citera l'accompagnement des jeunes décrochés via l'Agence pour le service civique ou la garantie jeune lancée par le gouvernement en 2014, la formation dans le cadre des emplois d'avenir ou l'accompagnement des jeunes diplômés. 110 000 jeunes devraient bénéficier indirectement de ces financements européens.

Reste que l'ambition du projet européen se heurte, comme toujours, à la réalité administrative du dispositif. La logique retenue par la Commission européenne pour l'octroi des financements est celle des fonds structurels, plus particulièrement celle du Fonds social européen. La procédure de sélection apparaît relativement lente et répond à un certain nombre d'exigences qui peuvent paraître contradictoires avec l'objectif poursuivi. Le dispositif ne peut financer le renforcement des structures de suivi mais doit viser directement des jeunes, qui sont le plus souvent en situation de décrochage, donc difficiles à repérer si on ne dispose pas de structures renforcées... Comment, par ailleurs, demander un suivi précis quasi quotidien de jeunes en situation de rupture sociale ? On peut aussi parler de la formation dans le cadre des emplois d'avenir que la France espère faire financer. La Commission européenne estime que les jeunes concernés disposent d'un emploi et ne peuvent être donc concernés par l'IEJ...

Le taux de préfinancement des projets initialement retenu était, par ailleurs, de 1 %. Ce qui suppose que les États membres avancent l'essentiel des fonds pour lancer le projet de soutien à l'emploi des jeunes. Les États sont ensuite remboursés, sur factures, une fois le programme national mis en place. Cette participation apparaît clairement insuffisante. La Commission européenne a présenté le 4 février une proposition de règlement visant à faire passer le taux de préfinancement de 1 à 30 %. Ce texte va dans le bon sens. Mais nous ne saurions en attendre trop. Il ne concerne en effet que l'enveloppe IEJ. Or, comme je vous l'ai indiqué, tout projet est financé à parts égales par l'enveloppe IEJ d'un côté et l'enveloppe FSE de l'autre. Le taux de préfinancement reste donc de 1 % pour les crédits FSE. Ce qui fait que le taux de préfinancement global atteint en fait 15 %. Les financements déjà effectués sont déduits. Ce taux devrait pouvoir être mis en oeuvre dès le 26 mai, date à laquelle le texte serait définitivement adopté.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que seuls 34 millions d'euros sur les 6,4 milliards attribués aient été décaissés fin 2014. L'Espagne, qui présente le taux de chômage des jeunes le plus important au sein de l'Union européenne (54 %), ne peut ainsi disposer immédiatement que de 9,4 millions d'euros sur les 943,5 millions qui lui ont été attribués initialement.

L'objectif initial de décaisser 6,4 milliards d'euros entre 2014 et 2015 apparaît ainsi illusoire. Ces retards fragilisent par ailleurs toute demande d'augmentation de la taille du programme. Je rappelle que l'Organisation internationale du Travail (OIT) estimait en 2010 à 21 milliards d'euros le coût d'installation de ce dispositif au sein de la seule zone euro. La Cour des comptes européennes a, de son côté, rendu le 24 mars dernier un avis critique sur le fonctionnement du dispositif insistant notamment sur l'absence de précision entourant les ambitions du programme avec notamment cette question simple : qu'est-ce qu'une offre de qualité ?

Pour conclure, si nous tenons à saluer l'ambition initiale, nous constatons que ce dispositif ne peut constituer aujourd'hui un instrument contra-cyclique, réactif et adapté aux exigences qu'implique le suivi de cette population particulière que sont les jeunes décrochés. Il ne répond pas, par ailleurs, à la question de la mobilité des jeunes que va aborder Patricia Schillinger.

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