Lors de notre dernière réunion, Bernadette Bourzai et Pierre Bernard-Reymond ont souhaité que notre commission intervienne au sujet de la remise en cause, à la suite d'un arrêt de la Cour de justice, du mécanisme européen d'aide alimentaire aux plus démunis. J'avais personnellement évoqué le sujet auprès du ministre chargé des affaires européennes.
Je rappelle que ce mécanisme existe depuis 1987. A cette époque, il existait encore des stocks agricoles importants dans le cadre de la PAC « ancien style ». Et l'idée était venue d'utiliser une partie de ces stocks au bénéfice d'ONG assurant une aide alimentaire aux plus démunis, avec une répartition par État membre.
Avec les réformes de la PAC, les stocks d'intervention sont devenus de plus en plus limités. Le système a donc été complété par des allocations permettant d'acheter des produits sur le marché pour maintenir l'aide alimentaire. Un plan d'aide est établi chaque année.
Le plan pour 2009 a été attaqué par l'Allemagne et la Suède devant la Cour de justice. Ces deux pays soulignaient que le plan manquait de base juridique. En effet, la législation européenne sur laquelle s'appuyait le plan d'aide restait la législation agricole, qui liait l'aide alimentaire à la situation des stocks. Or, en 2009, les stocks étaient au plus bas et le plan avait, pour l'essentiel, pris la forme d'achats sur le marché. Il n'y avait donc plus de lien véritable avec la PAC : on était dans la politique sociale.
La Cour de justice a donné raison aux deux États dans un arrêt du 13 avril dernier. Cet arrêt n'a pas d'effet rétroactif et le plan pour 2011 va encore s'appliquer. Mais la Commission a été obligée de revoir fortement à la baisse le plan pour 2012, en prévoyant un montant de 113 millions d'euros alors qu'initialement, c'était un montant de 500 millions qui était prévu. Ce montant de 113 millions correspond aux dépenses qui peuvent être justifiées par la nécessité d'écouler les stocks, compte tenu de leur état actuel. Cela va entraîner une diminution considérable de l'aide.
Bien sûr, on peut considérer que les achats sur le marché au bénéfice des ONG assurant une aide alimentaire relèvent en réalité de la politique sociale, qui est essentiellement une compétence nationale. Rien n'empêche les États membres de financer eux-mêmes ces achats sur le marché, d'autant que les montants en cause représentent une goutte d'eau dans l'océan des dépenses sociales.
Mais ce n'est pas une bonne solution. Les plans d'aide alimentaire contribuent à l'image de la construction européenne, si souvent accusée d'être technocratique. Ils contribuent également à l'image de la PAC, et à la réalisation de ses objectifs. Il faut rappeler que l'année dernière, 13 millions de personnes dans l'Union ont bénéficié de l'aide alimentaire.
Aux États-Unis, l'aide alimentaire est autrement plus développée et constitue un levier important - les « food stamps » - de la politique sociale tout en assurant un soutien à l'agriculture. Et c'est une forme de soutien que personne ne conteste. Le budget est de l'ordre de 50 milliards de dollars chaque année, avec 40 millions de bénéficiaires qui reçoivent une carte spéciale, de type carte de crédit, pour se fournir dans les magasins d'alimentation.
Je ne dis pas que nous devons copier le système américain, mais il existe des raisons solides, à la fois politiques, sociales et agricoles, pour que les plans européens d'aide actuels soient maintenus.
A supposer que le problème de la base juridique de ces plans apparaisse insoluble, il resterait possible de recourir à la « clause de flexibilité des compétences » prévue à l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Selon cet article :
« Si une action de l'Union européenne paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci aient prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées ».
Je vous propose donc que, dans le cadre du dialogue politique avec la Commission européenne (« initiative Barroso »), nous nous adressions à la Commission pour lui faire connaître notre souhait qu'un programme européen de distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies soit maintenu avec des moyens suffisants.