Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 octobre 2015 à 8h35
Énergie — Environnement - climat et énergie : conclusions de mme fabienne keller et m. jean-yves leconte en vue de la cop21

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Quelles sont les raisons d'espérer de la conférence de Paris et les principaux sujets qui restent en débat ?

La Conférence de Paris devra adopter un texte qui deviendra le « protocole de Paris », 18 ans après la conclusion du Protocole de Kyoto en 1997 et qui couvrira la période 2020-2030.

Mais il n'y a pas que cet accord, même si son contenu constituera l'aune à laquelle se mesurera le succès, ou non, de la Conférence.

En réalité, le texte du futur accord n'est que l'un des éléments de ce qu'on appelle l'« Alliance de Paris pour le climat », soit un « paquet » de 4 orientations, indissociables, pour réussir l'ambition de ramener à 1,5°/2° C le réchauffement de la planète.

Premier élément : l'accord lui-même. Pour l'Union européenne, quel devrait être son contenu ? Comme le Conseil l'a rappelé le 18 septembre dernier, l'accord qui entrera en vigueur en 2020 devra être « universel, juridiquement contraignant, dynamique, prévoyant un mécanisme de révision, de transparence et de vérification des engagements ».

Universel d'abord. Ce sera en effet une « première » puisque le Protocole de Kyoto - certes ratifié par 195 États - n'engageait en fait, en matière de réduction des émissions, que les 37 pays industrialisés signataires. J'ajoute que les États-Unis ne l'ont pas ratifié et que le Canada s'en est ensuite retiré...

Juridiquement contraignant ensuite : il faut en effet faire du futur « protocole de Paris » plus qu'une simple déclaration d'intentions. Soyons cependant prudent et lucide : même si son caractère contraignant était accepté par tous, le texte ne devrait pas prévoir de « sanctions » en cas de manquement d'un État partie aux obligations souscrites ou à ses propres engagements ; l'idée est davantage de recourir aux mesures de vérification, de transparence, d'obligation de rendre compte. Ces mesures donneront une visibilité à tout manquement, tant à l'égard des autres parties que de l'opinion. Enfin, certains pays - et non des moindres quant à leur niveau d'émissions - sont très réservés sur tout instrument international contraignant : États-Unis ou Chine entre autres...

Un accord « dynamique » aussi car il s'agit de prévoir une clause de rendez-vous, tous les cinq ans, pour actualiser les niveaux d'ambition décidés à Paris et éventuellement ajuster les engagements d'atténuation, de contributions financières et de vérification. Cette démarche reste en débat : de nombreux États ne souhaitent pas devoir remettre l'ouvrage sur le métier dès 2025, au risque de devoir accroître leurs engagements d'atténuation.

Enfin, l'accord devra comporter un régime de contrôle du respect des engagements et des règles de transparence qui permettront sa mise en oeuvre effective, et par tous, comme je l'évoquais tout à l'heure.

Sur le fond, l'Union européenne, comme la France d'ailleurs, souligne l'égale importance à donner à l'atténuation d'une part (c'est-à-dire la réduction programmée des émissions de gaz à effet de serre), et à l'adaptation d'autre part (c'est-à-dire la prévention et l'aide à la protection des pays, en particulier des plus vulnérables, contre les effets du réchauffement et les accidents climatiques qu'il provoque). Cet équilibre entre les deux notions ne va pas non plus de soi, mais il est en cohérence avec l'engagement du Fonds vert pour le climat (FVC), qui prévoit d'affecter 50 % de ses ressources à chacune des deux actions. Cet équilibre est surtout une demande essentielle des pays en développement qui en font, via le financement, une condition sine qua non de leur accord à Paris.

Deuxième élément de l'Alliance de Paris, les contributions prévues, déterminées au niveau national. C'est une étape très symbolique puisque pour la première fois on pourrait s'acheminer vers une baisse mondiale des émissions de gaz à effet de serre, à contre-courant de tout ce que nous avons vécu jusqu'à maintenant.

Cet exercice, très concret, de conception et de dépôt des contributions par chaque État s'est achevé le 1er octobre dernier. D'un côté l'exercice est un succès : au premier octobre dernier quelque 150 contributions, représentant près de 90 % des émissions mondiales ont été déposées. Malgré cela, il y a loin de la coupe aux lèvres puisque la projection de ces engagements aboutirait à une hausse de température de 2,7°/3°C au lieu des 2°C maximum visés. D'où la pertinence de la clause de rendez-vous évoquée plus haut.

Enfin restons prudents : il faut sans doute aussi relativiser la rigueur des engagements souscrits par certains pays et donc l'évaluation qui peut en être faite. Par exemple qui peut savoir comment évolueront les puits de carbone des forêts russes ?

Pour l'Union européenne, les conséquences législatives de ses propres engagements ont été ou seront bientôt tirées : la réforme du Système d'échange de quotas d'émission (SEQE) est désormais actée. L'adaptation du principe de « partage de l'effort » entre États membres pour réduire les émissions des secteurs non couverts par le SEQE (plus de la moitié des émissions) ; la révision de la législation sur l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Cette mise à jour législative des engagements de l'Union interviendra en 2016.

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