Troisième élément : le financement climatique. Sur ce sujet, central, trois aspects ressortent :
- le premier concerne les 100 milliards de dollars annuels, à l'horizon 2020, que les États développés devront apporter, de façon additionnelle (c'est à dire dans l'esprit des pays en développement, hors « recyclage » comptable des aides actuelles), via des financements publics, des prêts des banques multilatérales de développement, conjointement avec des fonds privés ; la récente réunion à Lima des ministres des Finances a permis de recenser quelque 62 milliards de dollars sur les 100 attendus à l'horizon 2020, ce qui est de nature à éclairer le chemin vers Paris.
- le second aspect du financement tient aux mesures qui permettraient de réorienter les financements publics vers l'investissement climatique bas carbone, ou qui inciteront les acteurs financiers privés à des stratégies financières favorable à la neutralité carbone. D'ores et déjà, de nombreuses institutions financières publiques, mais aussi des acteurs privés - dans le secteur de l'assurance par exemple - ont engagé une stratégie de désinvestissement dans les secteurs à haute intensité carbone et, a contrario, dans la multiplication d'investissements « verts », (capital-investissement dans les technologies propres, projets d'infrastructures vertes, etc.).
- enfin, certains plaident pour que, dès maintenant, les politiques de transition énergétique réduisent les soutiens publics aux énergies fossiles - estimées par l'OCDE, pour 40 pays significatifs dont 34 appartenant à l'OCDE - à quelque 200 milliards de dollars par an.
Quatrième élément enfin : l'« Agenda des solutions ». Il s'agit de mobiliser, dès maintenant et sans attendre 2020, des acteurs non étatiques sur des actions concrètes relevant autant de l'atténuation que de l'adaptation. Il est en effet important de compter sur ces principaux acteurs que sont les territoires, les grandes villes, les entreprises et la société civile pour veiller à la mise en oeuvre de ce que les États décideront à Paris. Il s'agit là d'un volet essentiel de l'action en faveur du climat, auquel par nature le Sénat est particulièrement attaché.
Enfin je voudrais conclure cette présentation en abordant la nécessité de définir un prix du carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
La fixation d'un prix du carbone est un des outils privilégiés pour inciter les entreprises émettrices à investir vers la recherche, le développement et la mise en oeuvre des technologies bas carbone. C'est le protocole de Kyoto qui, en 1997, avait lancé l'idée de donner un prix au carbone. Mais c'est le Système européen d'échange de quotas d'émissions (SEQE), créé en 2005, qui est devenu - après quelques vicissitudes au démarrage - un mécanisme qui fait école. Il constitue aujourd'hui le premier marché mondial du carbone et couvre une large portion des émissions de gaz à effet de serre.
Le SEQE a montré ses limites lors des premières années de son fonctionnement : la quantité excessive de droits à émettre gratuits a eu des effets pervers. Conjuguée à la crise économique, elle a abouti à un excès des crédits disponibles. Le prix de la tonne de carbone est donc tombé à 7-8 euros alors que le prix optimal serait au moins de 25-30 euros. Enfin, il importe de prendre en compte le risque de délocalisation d'industries fortement émettrices hors du territoire européen pour éviter d'avoir à s'acquitter de droits d'émission au prix fort : ce qu'on appelle la « fuite de carbone ».
Il faut donc saluer la réforme du SEQE proposée ces dernières semaines par l'Union. Elle réduira encore le plafond annuel d'émissions autorisé (taux de réduction de 2,2 % au lieu de 1,74 %). Elle augmentera la proportion des quotas mis aux enchères et concentrera la distribution de quotas gratuits vers l'industrie très consommatrice d'énergie et exposée à un fort risque de « fuite de carbone » et de perte de compétitivité.
De surcroît, la création d'une réserve stratégique permettra, à partir de 2019, en cas de trop forte évolution des quantités mises sur le marché, de le réguler en retirant ou apportant une quantité de crédits adaptée.
Un fonds pour l'innovation sera créé pour soutenir les investissements dans le secteur des énergies renouvelables (10 milliards d'euros à partir de 2020). De même, un fonds pour la modernisation aidera les États de l'Union européenne à plus faibles revenus à investir dans l'efficacité énergétique et la modernisation des systèmes énergétiques.
Je conclurai pour rappeler que, en ce moment même, le dernier cycle de négociations préparatoires se tient à Bonn, pour la quatrième fois cette année. Il s'agit de tenter de résoudre les ultimes arbitrages - sur les sujets les plus durs - dans un projet de texte opportunément réduit à quelque 20 pages - sur la quelque centaine initialement.
Les choses avancent donc et, s'il convient de saluer les ambitions de l'Union européenne et de ses États membres, il sera tout aussi légitime que le contenu de l'accord final reflète, en retour, des engagements forts de toutes les parties, sur la base bien sûr de capacités et « circonstances nationales » très diverses. L'effort doit être partagé équitablement, en particulier par certains pays économiquement et financièrement émergents mais qui entendent se classer dans les pays en développement dans le débat sur les financements supplémentaires attendus...