Intervention de Yannick Vaugrenard

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 octobre 2016 à 9h35
Politique commerciale — Audition de M. édouard Balladur ancien premier ministre sur les négociations relatives au ttip

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué, et c'est bien logique, le rôle de la Commission européenne. À ce sujet, il convient de rappeler un point fondamental : la Commission a le pouvoir de négocier, mais n'a pas le pouvoir de décider, qui relève du Conseil et des parlements nationaux. Parfois, il arrive que la Commission s'arroge des responsabilités et des prises de position différentes de celles des États, en contravention aux traités. Dans ces cas-là, on peut regretter que la réaction des États soit trop faible. En l'occurrence, les choses sont claires : elle a un mandat non pas de décision, mais de négociation.

Par ailleurs, vous avez abondamment parlé du libéralisme. Bien sûr, la loi du marché est au coeur du sujet, mais si le libéralisme, c'est la liberté du renard dans le poulailler, nous n'y trouvons pas notre compte. Or c'est parfois ce que l'on constate.

Par parenthèse, je vais vous raconter une anecdote. Avec Éric Bocquet et Philippe Dominati, nous sommes allés en Suisse dans le cadre de la mission d'information sur la fuite des capitaux et ses conséquences fiscales, d'où sont sorties 61 propositions fort intéressantes pour régler ce problème. Tenez-vous bien, nous nous sommes fait traiter de « gestapistes » dans un journal suisse. Cela vous donne une idée de la manière dont sont reçus ceux qui veulent montrer que la puissance publique existe et que le suffrage universel a un sens.

Monsieur le Premier ministre, vous avez détaillé la méthode vous semblant appropriée pour peser dans les négociations en cours. Il faudrait, dites-vous, que le Gouvernement explicite ses doutes, ses oppositions, ses interrogations. Mais c'est ce qu'il fait ! Mathias Fekl, que nous avons reçu à plusieurs reprises, a indiqué très clairement, à la satisfaction de tous, toutes tendances politiques confondues, quelles étaient les pistes inacceptables et les limites à ne pas dépasser.

Les positions sont claires, transparentes, publiques. Certes, on peut toujours faire plus en les couchant sur le papier, par exemple, mais il n'y a pas d'ambiguïtés.

La difficulté, qui s'impose à nous tous, c'est que la rapidité avec laquelle l'information circule aujourd'hui nous empêche de négocier au niveau international comme nous le faisions voilà dix, vingt ou trente ans, l'opinion publique ayant besoin de distinguer le vrai du faux dans un maelström d'informations. Aujourd'hui, les responsables politiques doivent informer beaucoup plus, faute de quoi c'est la désinformation qui s'impose. Je situe là la principale difficulté de l'action politique de nos jours.

En tous cas, je le répète, les choses sont claires du côté du Gouvernement. Matthias Fekl a été offensif pour porter les intérêts de la France de manière satisfaisante, y compris sur le CETA.

Je termine en exprimant ma surprise. Vous avez indiqué ne pas souhaiter faire de politique politicienne. Or, à deux reprises dans votre rapport, vous vous abandonnez à cette faiblesse. En page 2 du rapport, il est écrit que « la majorité présidentielle résiste mal à la tentation d'y voir un moyen de galvaniser les forces politiques dont l'hostilité de principe au libéralisme constitue le ciment ». Je n'ai pas du tout ressenti cela lorsque nous avons auditionné Matthias Fekl. Enfin, vous terminez votre rapport sur le même ton : « Il s'en déduit que la première tâche du gouvernement français devrait être, plutôt que d'utiliser le projet de traité transatlantique à des fins de politique intérieure, de convaincre ses partenaires européens ». Dans les échanges que nous avons eus avec le Gouvernement, je n'ai ressenti à aucun moment des préoccupations de politique intérieure ou politicienne.

Monsieur le Premier ministre, vous avouez avoir été surpris de l'invitation du président du Sénat ; j'avoue que nous l'avons été aussi.

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