Monsieur Bocquet, vous vous inquiétez du recul de la puissance publique, concomitamment à la mondialisation. Je partage ce constat, mais nous devons nous demander dans quelle mesure nous pouvons l'éviter. Je vais dire des banalités, mais force est de constater que, aujourd'hui, nous communiquons facilement d'un point à l'autre du monde pour prendre des décisions ou récolter des informations et les diffuser.
Je vous ai donné ma conviction, et peut-être pourrions-nous nous rejoindre sur ce point. Il n'y a pas de liberté efficace sans harmonisation. Je vais être plus précis : il n'est pas normal que, dans la zone euro, il y ait des différences aussi grandes dans le taux de l'impôt sur les sociétés et qu'un pays comme l'Irlande, qui reçoit par ailleurs beaucoup de fonds structurels, en profite pour baisser son taux d'IS beaucoup plus bas que tous les autres pour bénéficier d'un avantage concurrentiel. Cela veut dire que l'on est resté au milieu du chemin dans la construction européenne.
J'étais partisan du « oui » au traité de Maastricht, qui avait à l'époque soulevé beaucoup de débats, et je demeure partisan de l'euro. Néanmoins, je pense que l'Europe doit être consciente de la nécessité d'aller plus loin pour être plus efficace. Politiquement, le sujet est sensible, et M. Vaugrenard me pardonnera de parler politique. J'attends toujours que naisse en France un grand mouvement d'opinion dont le programme préconiserait de laisser d'autres que nous décider de notre fiscalité, de nos régimes sociaux, de nos transferts. Un tel projet n'existe pas, et nous sommes bloqués dans une espèce d'entre-deux. Il faudrait surtout que nous nous persuadions tous - ce n'est pas le cas actuellement - que nous sommes plus faibles si nous sommes isolés que si nous faisons partie de l'Union européenne.
Pour montrer à M. Vaugrenard que je ne suis pas aussi sectaire qu'il semble le penser... (Sourires.)