Dans ces conditions, monsieur le président, la solution est que tout le monde fasse la même chose, donc que tout le monde parle. Cette règle sera beaucoup plus démocratique et, finalement, plus efficace. Quand on perd son temps à discuter sur des dossiers dont on ne connaît qu'un morceau, tandis que votre interlocuteur connaît l'autre, c'est le meilleur moyen pour que les discussions s'enlisent. Il y a des domaines dans lesquels le secret doit s'appliquer, mais, en l'espèce, il ne s'agit pas d'une discussion sur l'usage de la force nucléaire.
Enfin, monsieur Sido, vous m'interrogez sur notre souveraineté monétaire, qui n'existerait finalement pas, le dollar étant tout puissant. De Gaulle le déplorait déjà il y a cinquante ans, ce qui lui a valu d'être taxé d'anti-américanisme. Mais son constat demeure d'actualité. Par exemple, je ne comprends pas que l'on accepte que l'État américain taxe forfaitairement les entreprises françaises, à hauteur de 10 milliards ou 15 milliards d'euros, sous prétexte qu'elles ont fait un usage du dollar qui ne lui convient pas. C'est proprement inadmissible. Après tout, nous pourrions nous aussi taxer sur le sol européen des entreprises américaines dont nous estimerions qu'elles font un usage exagéré de telle ou telle de nos prérogatives nationales. Dans certains domaines, il ne faut pas reculer devant l'usage de la force. Nous avons encore des atouts : certes, l'euro n'a pas la force du dollar, mais il vient juste après comme monnaie de réserve ; par ailleurs, la BCE n'est pas non plus dépourvue de moyens. Aussi, les gouvernements européens, toutes tendances politiques confondues, ont eu tort de garder les bras croisés quand de grandes entreprises européennes ont été taxées, de façon parfaitement arbitraire à mon sens. Il y avait sûrement des moyens de réagir.
Je suis conscient de ne pas avoir très bien répondu à toutes vos questions, souvent par défaut d'information. Je n'ai pas été assez clair sur la direction dans laquelle il faudrait aller pour conjuguer préservation de la souveraineté et avènement d'une Europe puissance. C'est le grand débat que nous avons depuis la Seconde Guerre mondiale ; il n'est pas encore tranché et il ne le sera sans doute pas avant des dizaines d'années. Néanmoins, je pense quand même qu'il faut aller dans le sens d'une plus grande coordination.