Intervention de Sylvie Goulard

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 mai 2011 : 1ère réunion
Le paquet « gouvernance économique » et la politique commerciale commune rencontre avec les membres français du parlement européen réunion en commun avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale

Sylvie Goulard, députée européenne :

Je suis ravie de vous exposer où nous en sommes. Il y a eu un accord au Conseil sur les textes proposés à la Commission ainsi qu'un vote de la commission économique et monétaire du Parlement, le 19 avril. Nous sommes maintenant entrés dans la phase de « trilogue » où nous discutons avec la présidence hongroise - qui représente les positions du Conseil - la Commission et l'ensemble des rapporteurs. Ce paquet « gouvernance économique » est complexe. Je commencerai par les trois points qui, à l'issue du trilogue d'hier, restent encore en discussion et sur lesquels il n'y a pas encore d'accord.

D'abord, le souci de renforcer la discipline après la crise. La première question est de savoir jusqu'où étendre le champ d'une nouvelle procédure proposée par la Commission, à savoir la majorité qualifiée inversée. La Commission l'avait proposée comme mesure d'exécution lorsqu'une sanction était nécessaire. Le Parlement a proposé d'étendre la pratique de cette majorité qualifiée inversée qui permet de s'opposer à des marchandages au sein du Conseil où l'intérêt de l'Europe n'est pas toujours prioritaire. C'est un sujet sensible à Paris, mais aussi dans des pays qui ont mal vécu la manière dont, au début des années 2000, la France et l'Allemagne avaient tenté d'empêcher la mise en oeuvre de sanctions. Pour l'instant les positions sont tranchées, nous allons tenter de les rapprocher.

Deuxième point : une procédure nouvelle, bienvenue au vu de ce qui s'est passé en Irlande ou en Espagne, bons élèves au regard des règles budgétaires mais qui se sont retrouvés en difficulté en raison d'un endettement privé excessif ou d'une bulle immobilière. Il s'agit de faire un peu de macroéconomie ensemble et de contrôler les déséquilibres macroéconomiques qui peuvent affecter certains pays, avant qu'ils n'entraînent des problèmes pour l'ensemble de la zone. Le Parlement et le Conseil ont salué cette initiative de la Commission. Un point nous sépare : on crée une nouvelle procédure de contrôle des États, procédure qui peut aller jusqu'à les sanctionner s'ils refusent d'entreprendre de remédier à leurs déséquilibres. C'est une tentative pour tenter de mieux faire converger les économies de pays qui partagent une monnaie commune. On crée donc des indicateurs qui servent à détecter les déséquilibres. Lorsque ces indicateurs passent au rouge, la Commission les analyse et, sur cette base, le Conseil a le pouvoir de déclencher des sanctions - même si l'aspect préventif est préféré.

La difficulté vient de ce que, dans le texte de la Commission, cette dernière a tout pouvoir de définir les indicateurs, alors que le traité de Lisbonne a créé des « actes délégués » qui autorise cette Commission à exercer son pouvoir technique de définition de critères, mais avec une possibilité d'objection du Conseil et du Parlement. Les pays du Nord ou l'Allemagne craignent qu'on ne classe parmi les déséquilibres macroéconomiques leurs excédents d'exportation ou de balance des paiements. Or, personne ne veut les empêcher d'être compétitifs et le Parlement ne veut pas les sanctionner. Il s'agit seulement, d'un point de vue macroéconomique, d'examiner toutes les évolutions.

Plus largement, la question se pose : quels sont les bons indicateurs ? Les faut-il très resserrés ou bien faut-il y ajouter, comme le demandent les collègues de gauche, le creusement des inégalités ou la hausse du chômage ? Ce sont là des choix politiques. Mais la question la plus sensible, c'est le droit de regard sur le choix de ces indicateurs.

Au Parlement, nous souhaitons que les niveaux nationaux et européen se parlent davantage, qu'il y ait des débats transfrontières sur des sujets communs. Il faudrait, lorsque la Commission détectera un problème de déficit, de dette publique ou de déséquilibre macroéconomique, que la commission économique et monétaire du Parlement puisse en débattre. L'idée est de donner aux États la chance d'expliquer leur situation. Malheureusement, le Conseil freine ce mélange des niveaux national et européen. C'est pourquoi j'apprécie cette occasion d'échanger aujourd'hui avec vous, comme j'ai apprécié que la commission des finances du Sénat vienne à Bruxelles. Pourquoi s'opposer à une discussion où, dans une enceinte technique de la Commission, chacun pourrait faire valoir sa position et, même, contester la Commission, et où l'on entendrait les collègues de pays un peu périphériques qu'on connaît moins bien, comme les collègues portugais, par exemple, qui nous expliquent qu'ils ont souffert du déplacement des crédits vers l'Europe centrale et orientale ? Papandreou était ainsi venu nous expliquer la position de la Grèce. C'est préférable à des débats nationaux cloisonnés où chacun ne parle qu'aux siens. En outre, grâce à la traduction, c'est un des rares endroits où on peut se parler. Tout serait public et ne donnerait lieu à aucune décision ; ce serait un simple lieu de discussion.

La collègue britannique du parti conservateur chargée du rapport sur le cadrage des budgets nationaux est devenue le chantre de la stabilité de la zone euro et la porte-parole de l'argumentation de la BCE : on renforce les exigences de rigueur dans la présentation des comptes. Pour des raisons constitutionnelles, ces questions sont extrêmement sensibles en France. J'appelle votre attention sur le fait que l'Union européenne est désormais hétérogène et qu'il faut veiller à ce que, pour la stabilité comme pour l'élargissement de la zone euro, cette rigueur s'applique aussi dans les autres pays. Dans le rapport sur les aspects préventifs du pacte de stabilité, pour encourager la cohérence des actions nationales et européennes ainsi que la cohérence entre les stratégies - non contraignantes - de croissance, d'innovation, et les règles contraignantes du pacte de stabilité, le Parlement a souhaité que se trouve dans le paquet législatif une première codification de ce que pourrait être le semestre européen. Il nous faut cesser de considérer que les politiques actives en faveur de la croissance et de l'emploi sont secondaires par rapport à la discipline budgétaire, laquelle ne suffit pas au développement harmonieux de nos sociétés. Le Parlement est le lieu où s'exprime le souci des populations de ne pas être soumises à des cures d'austérité qui les mettent à genoux. On n'a pas fait l'Europe pour ça ; le préambule du traité de Rome affirmait que l'objectif était de favoriser le bien-être des Européens.

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