Je souscris à vos propos, mais, parfois, nous avons vraiment le sentiment d'être des soldats dans les tranchées : ne croyez pas que la crise a fait naître dans l'esprit de la plupart de nos partenaires l'idée qu'un monde régulé était souhaitable. La notion de réciprocité est sans doute plus porteuse que celle de préférence communautaire, qui n'a pas le vent en poupe.
La politique commerciale qui est actuellement menée peut être un désastre pour l'Europe. Depuis 1957, nous avons pensé que le monde allait se construire sur un modèle multilatéral qui respecterait des règles établies pour tous. On peut penser ce que l'on veut de l'OMC, mais elle avait le mérite de proposer le début d'un certain ordre commercial au niveau mondial. Aujourd'hui, les pays émergents considèrent que ces règles ne sont que du protectionnisme déguisé. Leur vitalité et leurs méthodes sont redoutablement efficaces, ce qui leur permet d'avancer très vite. Si nous ne nous ressaisissons pas, la question ne se posera même plus dans quelques années.
L'Europe est la première puissance commerciale du monde : nous devrions adresser au monde un message d'ouverture raisonnée et aménagée. Certes, on doit commercer avec le Canada, mais pas n'importe comment et à n'importe quel prix. Les positions de Pascal Lamy ont profondément évolué en dix ans.