Le commissaire que vous êtes est également chargé des questions de fiscalité. On peut s'étonner que les recommandations de la Commission omettent cet instrument que sont les politiques fiscales.
La Commission a fait évoluer son discours sur l'investissement, et je m'en réjouis, mais l'Union européenne manque d'une ambition industrielle dotée d'instruments. On a l'impression que c'est toujours la concurrence qui prédomine. On s'est beaucoup soucié d'établir des règles de concurrence intra-européennes, sans se rendre compte que dans certains domaines, comme celui du numérique, nous n'avons pas d'industrie propre. La chancelière allemande ne dit pas autre chose quand elle appelle de ses voeux un internet européen, auquel le président Hollande a acquiescé. Mais nous n'avons pas les instruments, nous avons dix ans de retard sur les États-Unis. Sans capacité d'intervention des États, harmonisée par les instances européennes, nous ne rattraperons jamais ce retard. Les États-Unis, le Canada, les pays asiatiques, se dotent de politiques de crédit d'impôt sectorielles qui attirent nos fleurons industriels. Je rappelle que l'OMC considère le crédit d'impôt comme une forme de dumping fiscal. Quand donc l'Union européenne tentera-t-elle de réguler ces crédits d'impôts, qui attirent les entreprises européennes vers les États-Unis ? On aura beau créer une réglementation idéalement harmonisée du marché européen du numérique, à quoi cela servira-t-il si nous n'avons pas la capacité de créer une vraie filière industrielle. Ou bien faudra-t-il en passer, comme pour Airbus, par une politique spécifique ? Il y a là un véritable enjeu, qui nous invite à sortir des seuls principes macroéconomiques pour passer à l'investissement dans les secteurs stratégiques.