Intervention de Pierre Moscovici

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 mai 2015 à 9h10
Économie finances et fiscalité — Audition de M. Pierre Moscovici commissaire européen aux affaires économiques et financières à la fiscalité et aux douanes

Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes :

Je vous rejoins. J'ai dit que j'étais favorable au TAFTA ; c'est ma position personnelle et celle de la Commission. Je participe au groupe de travail qui, autour de Cecilia Malmström, travaille aux différents aspects de ce traité. Je garde les préoccupations françaises très présentes à l'esprit, et je sais que le Gouvernement français est également très engagé dans cette négociation. Nous restons très vigilants sur toute une série de sujets. Ce traité ne sera bénéfique que s'il est bien négocié, et dans la transparence, car l'adhésion de l'opinion lui est essentielle.

Il est un peu tôt, Madame Schillinger, pour évaluer les effets du SMIC allemand. Et je me garderai de proposer des réformes Hartz à la française, car nos systèmes ne sont pas comparables. Reste que vu de la Commission, la réforme clé est celle du marché du travail, car nous constatons que tous les pays qui ont mené une telle réforme ont de meilleures performances.

Je veux rassurer Éric Doligé : je ne suis pas victime d'un dédoublement de la personnalité. Je sais qui je suis. Je suis français, et membre, à l'échelle européenne, de la famille socialiste. Cette Commission européenne est une commission politique : elle est uniquement composée d'hommes et de femmes politiques. Elle compte quatorze membres du PPE, huit socialistes, cinq libéraux, et un Britannique ! Nous avons, jusqu'à présent, pris nos décisions à l'unanimité. Nous travaillons dans une ambiance transpartisane où chacun respecte le travail de ses collègues, sans renoncer à ses convictions. Je reste un homme engagé, j'appartiens à un parti politique et le texte que j'ai signé l'a également été, si je ne me trompe, par certains membres du Gouvernement français. Je préfère les réformistes et les proeuropéens à ceux qui ne le sont pas. Ce qui ne m'empêche pas, dans l'exercice de ma fonction, d'agir dans une stricte neutralité, en fonction de règles ; c'est une question de crédibilité. J'observe que personne, lorsque je me suis rendu devant le Bundestag, n'a songé à me poser la question que vous me posez. Mon prédécesseur, qui appartenait à un autre parti, n'a pas plus que moi coupé les ponts en devenant commissaire européen. Être fidèle à ses convictions n'empêche pas de travailler dans la collégialité, en commissaire impartial. S'abstenir d'en faire état serait d'une hypocrisie totale. Quant au contenu du document auquel vous faites allusion, je relève qu'il fait écho à certaines recommandations de la Commission qui, s'agissant de l'Allemagne, notamment, observe que ce pays dispose de marges de manoeuvre budgétaires qu'il peut utiliser davantage à la relance de l'investissement public et privé et en matière d'infrastructures. Et j'ai pu me rendre compte, au Bundestag, que c'est un sentiment qui est partagé sur tous les rangs en Allemagne, où le Gouvernement a d'ailleurs lancé un programme d'investissement de 15 milliards d'euros, dont dix pour les infrastructures et cinq pour encourager les collectivités locales qui en ont besoin.

J'ai dit en quoi les méthodes de travail de cette Commission étaient nouvelles. Elles permettent de travailler collégialement dans le respect des convictions de chacun. Je retrouve, comme commissaire européen, les instances que j'ai connues lorsque j'étais ministre des finances - G7, G20, FMI, Eurogroupe, Ecofin - et mon changement de casquette n'a pas changé pour moi les choses. En revanche, l'image de la France à l'échelle de l'Union européenne et à la Commission me préoccupe. Le débat du 25 février a été, je l'ai dit, difficile. J'encourage les ministres, les parlementaires, à venir dialoguer avec la Commission. Plus on échange à Bruxelles, plus on convainc qu'il y a, dans notre pays, des choses qui bougent, plus on améliore son image. Si le débat du 13 mai a été plus serein que celui du 25 février, c'est aussi, incontestablement, parce que les ministres français sont allés à Bruxelles mener ce travail de conviction auprès de tous les commissaires. Cela permet aussi, en retour, de mieux intégrer les préoccupations européennes, au lieu de considérer l'Europe comme ennemie ou lointaine. Plus on européanise la politique intérieure, plus les relations sont aisées. Comme Français, et comme Européen, je souhaite par-dessus tout que l'image du grand pays qui m'a vu naître s'améliore. C'est ainsi que je vois, aussi, ma tâche de commissaire français.

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