Intervention de Jonathan Hill

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 mai 2015 à 9h06
Économie finances et fiscalité — Audition de M. Jonathan Hill commissaire chargé de la stabilité financière des services financiers et de l'union des marchés de capitaux

Jonathan Hill, commissaire européen chargé de la stabilité financière, des services financiers et de l'union des marchés de capitaux :

Merci pour votre invitation. C'est pour moi un très grand plaisir, en tant qu'ancien leader de la Chambre des Lords - la chambre haute du Parlement du Royaume-Uni - d'avoir l'occasion de rendre visite au Sénat français.

Je sais que, comme les Lords, les sénateurs sont respectés pour leur compétence et leur maîtrise des dossiers. En revanche, à la différence du Sénat français, la Chambre des Lords se compose de membres nommés à vie. Ce qui explique une différence de taille : l'âge moyen à la Chambre des Lords approche les soixante-dix ans. Vous me paraissez donc très jeunes !

En tant qu'ancien parlementaire, j'attache beaucoup d'importance au dialogue avec les parlements nationaux. Je souhaite donc que cette première rencontre marque le début d'échanges réguliers et constructifs.

L'objectif numéro un de la Commission, que je partage à cent pour cent, est de conduire une politique qui permette à l'Europe de retrouver le chemin de la croissance et des emplois. Pour mener à bien ce chantier crucial, ma priorité est d'accomplir l'union des marchés de capitaux : la construction d'un véritable marché unique du capital dans les vingt-huit États-membres de l'Union européenne.

Pour cela, je souhaite lever une à une toutes les barrières qui empêchent encore l'épargne d'aller s'investir dans les nombreux projets en attente de financement dans toute l'Union européenne. Je me réjouis que la France ait entrepris de stimuler vigoureusement l'investissement. Je suis certain que l'union des marchés de capitaux contribuera à la réussite de cette politique. Elle sera aussi un élément central à l'appui du plan d'investissement annoncé par le Président Juncker en novembre 2014.

L'union des marchés de capitaux est un projet à long terme. Ce sera le cumul de plusieurs mesures concrètes. Ensemble, elles feront la différence.

Je souhaite agir vite. Dans les prochains mois, je présenterai plusieurs mesures qui pourront être opérationnelles très rapidement : nous ferons des propositions pour favoriser une titrisation de haute qualité, c'est-à-dire une titrisation transparente, simple et sûre ; nous allons revoir la directive « Prospectus » pour aider les entreprises à lever des fonds plus facilement ; nous allons améliorer l'information des investisseurs sur les PME pour aider celles-ci à obtenir des financements plus facilement ; nous allons soutenir le recours aux nouveaux fonds européens d'investissement à long terme.

Une réunion publique est prévue dans trois semaines, le 8 juin, pour marquer la fin de la consultation publique sur le livre vert. Nous étudierons toutes les contributions et j'annoncerai par la suite notre plan d'actions.

Si je pense que ce projet est nécessaire, c'est parce que je considère qu'aujourd'hui le principal danger pour la stabilité de l'économie européenne est le manque de croissance. C'est le nouveau risque qu'il faut combattre. Je n'oublie pas bien sûr les autres risques, ceux qui ont conduit à la crise financière. Mais ceux-là sont maintenant mieux maîtrisés.

En effet, le travail considérable mené par la Commission européenne - et notamment par mon prédécesseur et votre ancien collègue Michel Barnier - pour mettre en oeuvre l'agenda du G20 a permis d'établir des fondements solides pour assurer la stabilité financière en Europe.

L'union bancaire est sur les rails : le superviseur unique a su en quelques mois trouver sa place et tous reconnaissent déjà sa compétence ; le Conseil de résolution unique a commencé à se réunir et à recruter ses agents. Ensemble, supervision et résolution intégrées pourront rompre le cercle vicieux entre banques et finances publiques nationales et contribueront à renforcer la stabilité financière de la zone euro.

Mais il faut rester vigilant et plusieurs initiatives en cours ont pour objectif de terminer le travail de régulation. C'est le cas du projet de réforme structurelle bancaire qui a pour objectif de réduire les risques que peuvent poser les plus grands groupes bancaires, sans pour autant remettre en question le rôle fondamental que ces banques jouent, en particulier dans le financement de l'économie. C'est aussi le cas des réformes visant à améliorer la transparence et la rigueur des indices de référence. J'ai également pour projet de proposer avant la fin de l'année un cadre pour la résolution des chambres de compensation, qui sont aujourd'hui un risque émergent du système financier.

Les pires heures de la crise financière étant désormais derrière nous, je souhaite également me pencher sur les effets des politiques que nous avons décidées. Alors que l'Europe manque cruellement de croissance, nous devons être prêts à nous interroger. Ces réformes ont-elles atteint le but qu'elles s'étaient fixé ? A-t-on involontairement créé des obstacles qui empêchent les acteurs financiers de financer le reste de l'économie ?

Comprenez bien que je ne veux absolument pas revenir sur les réformes essentielles entreprises dans les dernières années. Simplement, je pense qu'il faut admettre qu'en légiférant de façon aussi rapide, dans l'urgence, nous avons obtenu de grandes avancées, mais nous avons peut-être également créé sans le vouloir des difficultés pour l'économie.

C'est pourquoi je souhaite examiner l'ensemble de ces règles. D'abord pour m'assurer qu'elles n'entravent pas involontairement le retour de la croissance et de l'emploi. Ensuite pour - au besoin - les faire évoluer.

J'espère vous avoir donné quelques éléments pour comprendre les priorités qui seront les miennes durant mon mandat.

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