En premier lieu, je voudrais vous dire tout le plaisir que nous avons à vous accueillir aujourd'hui.
Comme vous l'avez souhaité, je vais en guise d'introduction vous présenter la manière dont les questions européennes sont traitées au Sénat. Pour cela, je prendrai tour à tour les différents aspects du rôle européen du Sénat.
? Le premier aspect de ce rôle européen, c'est le rôle législatif, qui est d'ailleurs commun à tous les parlements nationaux de l'Union. Comme vous le savez, ce rôle législatif comprend deux facettes :
- tout d'abord, les parlements nationaux sont les législateurs de base de l'Union, en ce sens que leur approbation est requise pour les décisions les plus fondamentales de l'Union, par exemple la révision des traités ou l'adhésion de nouveaux membres ;
- ensuite, les parlements interviennent à l'autre bout de la chaîne, lorsqu'il s'agit de transposer dans le droit national les directives européennes.
Pour les deux aspects de ce rôle législatif, la commission des affaires européennes n'intervient pas. Pour ce qui touche aux traités européens, c'est la commission des affaires étrangères qui intervient, puisqu'il s'agit de traités internationaux. Pour la transposition des directives, c'est la commission compétente pour le domaine concerné qui intervient, par exemple la commission des affaires sociales pour transposer les directives sur le temps de travail.
Bien entendu, cela n'empêche pas des membres de notre commission de participer aux débats. Certains y participent au sein de la commission législative compétente : en effet, les membres de la commission des affaires européennes sont obligatoirement membres d'une des six commissions législatives du Sénat. Les membres de notre commission peuvent également, bien sûr, intervenir au stade final du débat, lorsque le texte est examiné par le Sénat dans son ensemble.
? Le second aspect du rôle européen du Sénat, c'est l'exercice d'une fonction de contrôle.
Dans ce domaine, le rôle de la commission des affaires européennes est prépondérant, mais ce n'est pas du tout un rôle exclusif. Nous avons un rôle d'impulsion, mais nous avons pour objectif de faire participer le maximum de sénateurs au contrôle sur les affaires européennes. Les affaires européennes et les affaires nationales étant étroitement imbriquées, il ne serait pas bon que l'Europe soit la « chasse gardée » de certains parlementaires, tandis que les autres s'en désintéresseraient.
Alors, quelles sont les modalités de cette fonction de contrôle ?
Le contrôle du Gouvernement fait l'objet d'un article spécifique de la Constitution, l'article 88-4. Cet article permet au Sénat (comme à l'Assemblée nationale) de voter des résolutions sur les projets d'actes européens. Ces résolutions ont pour but d'exprimer la position de notre assemblée sur les objectifs à poursuivre dans la négociation. Les résolutions européennes ne lient pas le Gouvernement, elles ne sont pas un mandat de négociation. Mais elles donnent au Gouvernement des indications politiques importantes. Il a tout intérêt à en tenir compte, sinon il risque des difficultés lorsqu'il faudra transposer le texte en droit national.
Il faut souligner que, pour pouvoir adopter des résolutions en temps utile, les deux assemblées disposent, sur le modèle britannique, d'une « réserve d'examen parlementaire ». L'Assemblée ou le Sénat disposent d'un délai pour manifester l'intention d'adopter une résolution. Ce délai est de huit semaines pour un projet d'acte législatif de l'Union, et de quatre semaines pour les autres projets d'actes. Si l'intention s'est manifestée, le Gouvernement doit alors éviter de prendre une position définitive au sein du Conseil et, si nécessaire, doit proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte. Inversement, il peut se produire que le Gouvernement souhaite ne pas avoir à retarder l'adoption d'un texte urgent, alors que le délai d'un mois garanti aux assemblées ne s'est pas écoulé. Il doit alors demander l'autorisation de lever la réserve d'examen parlementaire.
Il faut noter que les résolutions sont peu nombreuses, une dizaine par an en moyenne. En effet, elles n'ont d'intérêt que si elles portent sur un texte européen qui pose un problème politique important.
Comment sont adoptées les résolutions ? Je vais vous faire grâce des subtilités de notre Règlement. Normalement, la première étape se passe au sein de la commission des affaires européennes, qui adopte une proposition de résolution. Cette proposition est ensuite transmise à la commission législative compétente, qui a un mois pour se prononcer. Si elle approuve la proposition, ou bien si elle ne se prononce pas, la proposition devient résolution du Sénat, elle engage le Sénat. Une adoption en séance plénière est également possible.
Pour que cette procédure fonctionne bien, il est essentiel de trier les textes importants. C'est une responsabilité de notre commission. Nous examinons systématiquement les projets d'actes européens. Cet examen se fait pour l'essentiel par procédure écrite, afin de ne pas encombrer nos réunions. Plus de 90 % des textes européens sont examinés de cette manière.
À côté du contrôle exercé par le biais des résolutions, une deuxième forme de contrôle du Gouvernement est constituée par les débats en séance plénière. Nous avons un débat en séance plénière du Sénat avant chaque réunion du Conseil européen ; après la réunion, le ministre vient devant la commission des affaires européennes pour rendre compte des résultats. Nous avons également une procédure particulière de questions au Gouvernement en séance plénière pour les affaires européennes. Elle est utilisée en moyenne deux fois par an pour un sujet important. Par exemple, le 15 novembre prochain, nous aurons un débat, dans le cadre de cette procédure, sur le processus d'élargissement de l'Union.
? À côté du contrôle de la politique européenne du Gouvernement, de nouvelles formes de contrôle, comme vous le savez, sont apparues ces dernières années, qui mettent directement en contact les parlements nationaux et les institutions européennes. C'est un aspect dans lequel le rôle de notre commission est très important.
Pour l'« initiative Barroso » - le dialogue direct avec la Commission européenne - c'est notre commission qui est compétente.
Pour le contrôle de subsidiarité, mis en place par le traité de Lisbonne, nous sommes dans une situation paradoxale, car le Sénat n'a pas encore pris en compte cette nouvelle forme de contrôle dans son Règlement. Dans la pratique, notre commission adopte des projets d'« avis motivés », puis nous demandons à la commission législative compétente si elle est d'accord ou du moins ne s'oppose pas. Pour l'instant, nous n'avons pas encore beaucoup utilisé cette nouvelle possibilité.
? Enfin, la commission des affaires européennes est très attachée à la dimension interparlementaire de l'Union. Nous participons activement à la COSAC, à l'assemblée euro-méditerranéenne, et aux réunions conjointes Parlement européen/parlements nationaux.
J'ai essayé de présenter brièvement les principaux aspects du rôle européen du Sénat. J'imagine que beaucoup de nos préoccupations sont communes avec celles de la commission que vous présidez, mais j'imagine aussi qu'il existe des solutions différentes pour la législation et le contrôle en matière européenne. J'observe par exemple que votre commission est compétente pour contrôler l'emploi des fonds européens. Nous n'avons pas, pour notre part, de compétence dans ce domaine et il serait intéressant pour nous, par exemple, de connaître comment vous exercez cette fonction.