Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 janvier 2012 : 1ère réunion
Réseau transeuropéen de transport texte e 6740 — Communication et proposition de résolution portant avis motivé de mme bernadette bourzai

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai, vice-présidente :

Je me substitue à M. Ries, qui n'a pu être parmi nous, pour présenter un texte retenu par le groupe de travail « subsidiarité », lors de sa réunion du 21 décembre. La proposition de règlement relatif aux orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport fait partie du « paquet infrastructures » présenté par la Commission européenne le 19 octobre dernier, qui comprend le futur mécanisme pour l'interconnexion en Europe, fonds doté de 50 milliards d'euros dont 31,7 milliards pour les réseaux transeuropéens de transport. Cette proposition de règlement révise les lignes directrices du réseau transeuropéen de transport ; elle énonce des exigences élevées pour moderniser et rendre interopérables les réseaux existants, et fixe les priorités pour de nouvelles infrastructures. Cet ensemble de normes et d'objectifs sert de cadre pour l'octroi de financements de l'Union.

De ce texte, il faut retenir deux innovations principales. Tout d'abord, il énonce des spécifications techniques beaucoup plus exigeantes et précises qu'actuellement, et fixe des échéances précises de mise en conformité : 2030 ou 2050 selon le type de réseau. Ensuite, il crée ce que la Commission européenne appelle des « corridors ». Au nombre d'une dizaine, ces corridors sont les principaux axes stratégiques de transport dans l'Union, comme l'axe Strasbourg-Danube-Mer noire. Ils constituent la priorité de la Commission qui y consacrera le plus de financements, en particulier sur les tronçons transfrontaliers. Surtout, la Commission met en place une nouvelle gouvernance des corridors, via des coordonnateurs et des plateformes de corridors.

L'article 171 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose qu'elle « établit un ensemble d'orientations couvrant les objectifs, les priorités ainsi que les grandes lignes des actions envisagées dans le domaine des réseaux transeuropéens ; ces orientations identifient des projets d'intérêt commun ». Elle « peut soutenir des projets d'intérêt commun soutenus par les États membres et définis dans le cadre des orientations précitées ». L'Union est enfin compétente pour mettre en oeuvre des actions assurant l'interopérabilité des réseaux, en particulier par l'harmonisation des normes techniques. En revanche, le paragraphe 2 de cet article laisse aux Etats membres, en liaison avec la Commission, le soin de coordonner leurs politiques nationales lorsqu'elles sont susceptibles d'avoir un impact sur la réalisation des réseaux transeuropéens. En outre, selon l'article 172, les orientations et projets d'intérêt commun qui concernent le territoire d'un État membre requièrent son approbation.

Schématiquement, l'équilibre suivant ressort du traité. L'Union définit des lignes directrices, des priorités qui servent de cadre pour l'octroi des financements européens ; c'est par leur biais que l'Union oriente les décisions des autorités publiques et des opérateurs. Les Etats membres, y compris les autorités locales et les opérateurs, sont les premiers responsables de la mise en oeuvre des orientations et du choix des projets ; la définition précise des tracés, les procédures de lancement, le montage financier, le pilotage relèvent de la compétence des Etats.

Le fait que l'Union finance et financera de manière plus soutenue les corridors et les infrastructures qui leurs sont liées ne suffit pas à justifier qu'elle prenne le contrôle de la mise en oeuvre de projets qui demeureront financés à titre principal, voire exclusif, par les États membres, les autorités locales ou des opérateurs privés. En France, où certaines procédures comme la déclaration d'utilité publique sont très encadrées, il importe que les choix d'opportunité, la définition du tracé, l'aménagement soient pleinement maîtrisés par les autorités effectivement responsables. Les élus constatent chaque jour que certaines infrastructures sont mal acceptées par les riverains : des manifestations parfois violentes en témoignent. Une intervention directe de Bruxelles pour accélérer le démarrage des projets jetterait de l'huile sur le feu, au lieu de mettre de l'huile dans les rouages.

Or, plusieurs dispositions de la proposition de règlement tendent à brouiller la frontière entre ce qui relève des grandes orientations et de la définition des priorités d'une part, de la programmation des projets et de leur mise en oeuvre d'autre part. La Commission semble vouloir prendre la main sur le déploiement de ces corridors.

L'article 51, d'abord, prévoit la nomination d'un « coordonnateur européen » pour chaque corridor, nommé par la Commission après simple consultation des États concernés. Ces coordonnateurs seraient notamment chargés de « diriger la mise en oeuvre coordonnée du corridor de réseau central de manière à respecter les délais fixés dans la décision d'exécution relative à chaque corridor de réseau central ».

Second point problématique, l'article 53 autorise la Commission à prendre seule des décisions d'exécution de la mise en place des corridors. Le champ et la portée de ces décisions étant difficiles à cerner, l'on peut craindre qu'elle n'interfère dans les plans de développement des corridors convenus entre les Etats - c'est ce que laisse entendre l'article 51 quand il prévoit que le coordonnateur dirige la mise en oeuvre « de manière à respecter les délais fixés dans la décision d'exécution relative à chaque corridor ».

Ces deux éléments, qui s'intègrent dans un texte à la tonalité plus prescriptive que les orientations en vigueur, me semblent contraires au principe de subsidiarité. En effet, si la législation en vigueur permet la nomination de coordinateurs, elle n'intervient qu'avec l'accord des Etats membres, les intéressés se limitant à faciliter la mise en oeuvre de projets.

Enfin, l'article 59 constitue une clause de sauvegarde : en cas de retard dans l'achèvement du réseau central, la Commission peut interroger les Etats membres sur les raisons de ce retard et décider de mesures appropriées. La rédaction de cet article mériterait d'être affinée, elle me semble toutefois respecter le principe de subsidiarité, la Commission intervenant en cas de carence des Etats.

L'ensemble de ces raisons me conduit à vous recommander d'adopter la proposition de résolution qui vous a été transmise mardi matin. Nous ne sommes pas isolés ; d'autres parlements y réfléchissent, le Bundesrat ayant déjà adopté un tel avis et le Bundestag étant sur le point de faire de même.

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