Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 novembre 2015 à 8h30
Institutions européennes — Rencontre avec la commission des affaires européennes du sénat italien : rapport d'information de mm jean bizet michel billout mmes pascale gruny gisèle jourda mm. jean-yves leconte didier marie yves pozzo di borgo jean-claude requier et simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Nous avons effectué un bref déplacement, de deux jours, en Italie - certains n'y sont restés qu'une brève journée. Nous avons d'abord assisté à un colloque sur l'Europe et la Méditerranée, co-organisé par le président de la commission des affaires européennes du Sénat italien, qui avait invité M. le président Bizet à intervenir, et celui-ci nous a invités à l'accompagner. Un membre du gouvernement égyptien y a fait une intervention qui nous a beaucoup intéressés. Le lendemain, nous avons participé à l'une des rencontres régulières entre nos deux commissions des affaires européennes.

La crise des migrants, la refonte du volet méditerranéen de la politique de voisinage ou l'approfondissement de l'Union économique et monétaire ont favorisé, ces dernières semaines, un rapprochement des positions françaises et italiennes sur l'avenir de l'Union européenne. Ce volontarisme italien en matière européenne fait écho à l'élan réformateur qui traverse le pays. Les trois gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 ont entrepris une vaste révision des politiques publiques, allant jusqu'à redéfinir, ces dernières semaines, le cadre institutionnel.

Confrontée à une crise de crédibilité sur la scène européenne, résultant à la fois de son endettement colossal, de son absence de dynamisme économique et de son incapacité politique à se moderniser, l'Italie a, depuis novembre 2011, entrepris une vaste remise en cause de ses fondements économiques et politiques. Au gouvernement dit technique de Mario Monti, nommé au plus fort de la crise, ont succédé deux cabinets issus des élections générales de février 2013 remportées par le Parti démocratique. Cette formation de centre gauche rassemble des membres de l'ancien parti communiste, qui s'est modernisé, et des démocrates- chrétiens de gauche. Le premier gouvernement a été formé par Enrico Letta, que nous avons eu la chance de rencontrer il y a deux semaines, grâce à Yves Pozzo di Borgo, à l'occasion d'un colloque sur la Russie organisé au Sénat, où il a fait une intervention de haut niveau. En février 2014, lui a succédé le gouvernement de Matteo Renzi. La volonté de réformer n'a pas été interrompue par ces changements. Elle semble, au contraire, avoir été amplifiée.

Abordons tout d'abord les changements institutionnels.

La réforme institutionnelle considérable lancée par le gouvernement Renzi comprend trois volets : la révision de la loi électorale, le changement de statut du Sénat et la modification de l'organisation territoriale. L'ensemble est motivé par la volonté de faciliter la prise de décision au niveau national, en limitant les conflits de compétence entre l'État et les régions et en s'appuyant sur une majorité parlementaire stable et renforcée.

La révision de la loi électorale, qu'on appelle l'Italicum, a été adoptée en mai 2015. Celle-ci confère au parti arrivé en tête du premier tour des élections à la Chambre des députés une prime de majorité. La formation arrivée en tête au premier tour avec plus de 40 % des voix disposera automatiquement de 53 % des sièges, soit 340 sièges. Si aucune n'atteint ce seuil, un second tour est prévu entre les deux partis arrivés en tête pour obtenir la prime majoritaire.

La transformation du Sénat en « Sénat des Autonomies », véritable chambre des régions, devrait mettre fin à partir de 2018 au bicamérisme égalitaire ou parfait, régime dans lequel le Sénat de la République dispose des mêmes pouvoirs que la Chambre des députés, qu'il s'agisse de l'adoption de la loi ou du contrôle du gouvernement.

J'entends avec effroi que la réforme du Sénat italien pourrait nous inspirer. Mais si nous faisions la même chose, notre Sénat disparaîtrait ! En vérité, le Sénat italien est mort d'avoir eu trop de pouvoir. Certains appellent de manière irréfléchie à transformer notre chambre haute en Bundesrat, comme si c'était la panacée. Mais le Bundesrat ne se réunit que douze fois par an, ses membres n'ont pas le droit d'évoquer la politique étrangère, la composition des délégations régionales change tous les ans et, en leur sein, le chef de file vote seul au nom de tous.

Devenu représentant des collectivités territoriales, le Sénat italien verrait sa compétence législative limitée à l'examen des lois portant sur l'organisation territoriale, les minorités linguistiques, les modifications constitutionnelles et les traités internationaux. Les amendements proposés par le Sénat pour un texte relevant de l'organisation territoriale ne pourront être rejetés que par la majorité absolue des membres de la Chambre des députés. La chambre haute devrait émettre un simple avis, consultatif, sur les autres textes de loi. Les sénateurs participeraient, en outre, à l'élection du président de la République aux côtés des députés. Le Sénat évaluerait, enfin, l'impact de la législation européenne au niveau régional. Le nombre de sénateurs serait ramené de 315 à 100 - contre 630 députés - dont 95 seraient élus parmi les conseillers régionaux et les maires de 21 grandes villes, et 5 seraient nommés par le gouvernement. Bien sûr, une réforme constitutionnelle de cette ampleur prend du temps : celle-ci sera présentée au référendum à l'automne 2016. Comment une chambre a-t-elle ainsi pu se faire hara kiri, et à une aussi large majorité ? De surcroît, les fonctions des 100 sénateurs seront non rémunérées, sauf par leur indemnité de conseiller régional...

Combinée à la modification du mode de scrutin, la réforme du Sénat devrait renforcer le gouvernement, dont la stabilité ne devrait plus être remise en cause par un vote de défiance au Sénat ou une majorité parlementaire relative. Depuis l'avènement de la République en 1946, 63 gouvernements ont été formés. Bref, le balancier est bien reparti dans l'autre sens.

La réforme territoriale, ambitieuse, prévoit la suppression des 101 provinces, qui sont l'équivalent des départements, et clarifie le partage des compétences entre États et collectivités territoriales. Ce « néocentralisme » prévoit une suppression des compétences partagées entre État et régions, introduites dans la Constitution en 2001.

Venons-en aux réformes économiques.

La crise économique et financière de 2008 avait contribué à exacerber les difficultés que rencontrait l'Italie depuis le début des années quatre-vingt-dix : croissance faible, rigidité des marchés des biens, des services et du travail, niveau élevé de la dette et des dépenses publiques.

L'Italie n'est plus visée depuis 2013 par la procédure pour déficit excessif ouverte à son encontre fin 2009 par la Commission européenne. Le déficit public italien atteignait à l'époque 5,5 % de son PIB. Trois ans après, celui-ci était ramené à 3 %...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion