Intervention de Jean-Louis Lorrain

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er février 2012 : 1ère réunion
Subsidiarité — Questions sociales et santé - reconnaissance des qualifications professionnelles - communication de m. jean-louis lorrain et proposition de résolution portant avis motivé

Photo de Jean-Louis LorrainJean-Louis Lorrain, rapporteur :

Ils ont exprimé des préoccupations généralement partagées par les professionnels de santé de l'espace économique européen. Ils craignent surtout un dessaisissement des autorités compétentes du pays d'accueil au profit des autorités du pays d'origine, réduisant de facto les ordres à un rôle d'enregistrement des professionnels, ce qui serait préjudiciable à la sécurité des patients. Plusieurs problèmes de subsidiarité se posent.

Le premier argument est celui de l'intelligibilité du texte de la Commission. En effet, des notions mal définies, des responsabilités superposées ou mal délimitées ne permettent pas d'identifier les compétences de chacun des acteurs, ce qui fait obstacle au contrôle du respect du principe de subsidiarité. Or il y a un décalage entre la présentation de la directive et la réalité du dispositif : l'exposé des motifs indique que la carte professionnelle sera introduite en cas de demande de la part de certaines professions, alors que ce caractère optionnel disparaît du corps du texte. Plus généralement, il faut relever l'extrême complexité de ce texte instituant à travers la carte professionnelle une nouvelle voie de reconnaissance des qualifications professionnelles cohabitant avec les procédures déjà en vigueur.

Second argument, le respect des compétences des États membres en matière de santé. Tout d'abord, en application d'une jurisprudence de 2006 de la Cour de justice, le texte introduit le principe de l'accès partiel en vertu duquel les membres d'une profession réglementée pourront bénéficier de la mobilité dans un autre État membre, mais en étant autorisés à y exercer seulement certaines tâches. Les sages femmes, par exemple, ont en France le droit de prescription et suivent les femmes en bonne santé, mais pas dans d'autres pays. Ce principe comporte des risques pour les systèmes de santé nationaux, l'accès partiel pouvant en effet fragmenter le champ des professions de santé et porter atteinte à la continuité et à la qualité des soins, en créant une confusion pour les patients et pour les autorités chargées de contrôler et d'administrer ces professions. Consciente de ces écueils, la Commission a prévu des sauvegardes ; toutefois, les termes employés laissent la place à bien des interprétations, l'accès partiel ne pouvant être refusé que si cela est justifié par une raison impérieuse d'intérêt général telle que la santé publique, s'il permet la réalisation de l'objectif poursuivi et s'il ne va pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire, ce qui ouvre en fait la porte à un examen des demandes au cas par cas.

Des difficultés existent ensuite quant au contrôle des compétences linguistiques des professionnels de santé migrants, sujet d'importance vitale dans la mesure où le professionnel doit communiquer efficacement et intelligiblement dans la langue du pays d'accueil - je pense à cette sage-femme, qui a confondu « plaquette » et « comprimé ». Certes, le texte de la directive rend possible un contrôle linguistique qui serait confié aux ordres professionnels du pays d'accueil, mais seulement après la décision de reconnaissance des qualifications alors que l'impératif de sécurité des patients commande, selon les ordres professionnels de santé, unanimes sur ce point, d'y procéder au cours de la procédure de reconnaissance des qualifications.

Sur ce point comme sur le précédent, la volonté de la Commission européenne de mettre en oeuvre le principe de libre circulation pourrait se faire au détriment du bon fonctionnement des systèmes de santé nationaux et de la sécurité des patients, domaines qui, selon les traités, relèvent de la compétence des Etats membres et dans lesquels l'Union européenne est seulement autorisée à compléter leur action.

La mise en oeuvre de l'accès partiel et les modalités du contrôle des capacités linguistiques dans les professions de santé risquant de conduire l'Union européenne à outrepasser ses compétences et à porter atteinte au principe de subsidiarité, je vous propose d'adopter une proposition d'avis motivé.

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