Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires européennes — Réunion du 15 décembre 2016 à 8h35
Agriculture et pêche — Étiquetage des produits alimentaires : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mmes pascale gruny et patricia schillinger

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

J'aborderai la dimension européenne de notre rapport d'information et de notre proposition de résolution européenne.

Les efforts réalisés en France dans le domaine de l'étiquetage alimentaire et nutritionnel, ainsi que dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, ne sauraient se concevoir isolément de ceux de l'Union européenne et de ceux des autres États membres. Les actions menées en France nécessitent donc d'être complétées par une impulsion complémentaire à l'échelon européen.

Pour mémoire, le Parlement européen a adopté une résolution, le 19 janvier 2012, intitulée « Éviter le gaspillage des denrées alimentaires : stratégies pour une chaîne alimentaire plus efficace dans l'Union européenne ».

À cette première résolution s'en est ajoutée une seconde, le 9 juillet 2015, consacrée à l'utilisation efficace des ressources vers une économie circulaire.

À cette occasion, un amendement a été adopté, sur l'initiative de l'eurodéputée française Angélique Delahaye, visant à promouvoir, à l'échelon des États membres, la mise en place de conventions entre les grandes surfaces et les associations d'aide alimentaire, afin que ces dernières bénéficient des invendus.

Ces deux résolutions revêtent une portée symbolique importante et témoignent d'une réelle prise de conscience politique. Pour autant, l'amélioration de la lutte contre le gaspillage alimentaire au niveau européen nécessitera, sur le plan opérationnel, l'adoption d'une définition commune, d'indicateurs communs et de méthodes communes. Ce sont ces éléments qui manquent aujourd'hui.

Notre proposition de résolution appelle de ses voeux de telles « actions convergentes au niveau de l'Union européenne ». Elles pourraient intervenir, en particulier, à l'occasion du prochain examen par le Parlement européen, début 2017, du paquet législatif en faveur de l'économie circulaire.

Notre proposition de résolution se félicite également de la bonne coopération existant entre la Commission européenne et la France pour les deux expérimentations menées sur notre territoire. En effet, l'une et l'autre constituent à plus d'un titre une première et auront valeur de précédent.

La proposition de résolution exprime également, d'une façon générale, son attachement à l'unité du marché intérieur, ce qui implique une harmonisation par le haut des efforts nationaux tendant à améliorer les modalités d'étiquetage.

En définitive, par leur initiative, vos deux rapporteurs souhaitent pouvoir utilement contribuer à l'information du Sénat, en exposant les différentes dimensions du sujet de l'étiquetage alimentaire.

La question, il est vrai très vaste et à bien des égards fort technique, est généralement abordée dans le débat public sous l'angle d'une seule de ses facettes - l'étiquetage alimentaire ou nutritionnel, l'origine des produits, le dossier des plats cuisinés, le lien avec la lutte contre le gaspillage alimentaire - mais rarement dans une perspective globale.

Les problématiques de santé publique, à commencer par la lutte contre l'obésité, qui toucherait jusqu'à 17 % de nos concitoyens adultes, de même que l'impératif de réduire le gaspillage alimentaire, font l'objet d'appréciations consensuelles. Il en va de même pour la plupart des très nombreuses dispositions techniques du règlement « INCO » qui, en tant que telles, n'appellent pas de commentaire particulier.

En conclusion de mon propos, je souhaite, à l'instar de Patricia Schillinger, faire valoir une appréciation plus personnelle sur un point précis. Elle porte sur les détails de notre dispositif d'étiquetage de l'origine du lait et de la viande dans les plats cuisinés.

L'initiative française répond fort opportunément à une revendication ancienne des associations de consommateurs. Nos producteurs s'y sont ralliés récemment, à la faveur de la crise de l'élevage, afin d'encourager implicitement l'achat de viande produite en France.

Pour autant, il conviendra également de bien apprécier le risque d'une pénalisation des seuls agriculteurs et industriels français par des obligations supplémentaires non opposables à leurs concurrents. En effet, ledit décret prévoit expressément que les produits importés d'un État membre ou d'un État tiers ne figurent pas dans son champ d'application.

On retrouverait ici, paradoxalement, un résultat analogue à celui du phénomène de surtransposition des directives européennes, dont il est si souvent fait état pour le regretter.

Au surplus, le risque d'un morcellement du marché intérieur, néfaste à nos propres exportations, ne peut être écarté en cas de généralisation d'initiatives nationales disparates. Or cela semble être déjà le cas en Lituanie, en Italie et au Portugal. Il pourrait, à brève échéance, en aller de même en Roumanie, en Grèce, en Finlande et en Espagne.

In fine, ce sujet nécessitera de procéder à un arbitrage entre le souhait légitime des consommateurs de connaître l'origine des produits qu'ils achètent et l'inquiétude qui pourrait apparaître dans l'agriculture, l'industrie agroalimentaire et la distribution françaises si l'on venait à leur imposer des obligations supplémentaires, dont seraient exonérés leurs concurrents de l'Union européenne.

Le recul de deux années, dont nous disposerons à l'issue de l'expérimentation qui débutera le 1er janvier 2017, permettra d'établir un bilan éclairé sur cette question.

À l'avenir, nous demeurerons également particulièrement attentifs aux actions entreprises, tant à l'échelon français qu'à l'échelon européen, contre le gaspillage alimentaire. Nous nous intéressons à ce sujet depuis l'adoption, en juin 2013, du pacte national destiné à le réduire de moitié à l'horizon 2025. À la suite du rapport de Bernadette Bourzai, la commission des affaires européennes avait adopté une résolution européenne relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, devenue résolution du Sénat le 5 juillet 2013.

Nous aurons à coeur de poursuivre ce travail.

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