Intervention de Claude Haut

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 mars 2016 à 8h30
Agriculture et pêche — Maintien de la réglementation viticole - proposition de résolution européenne : examen du rapport de mm. gérard césar et claude haut

Photo de Claude HautClaude Haut, rapporteur :

Cette proposition de résolution européenne porte sur un problème vini-viticole qui nous intéresse tous. Ce n'est pas la première fois que la Commission européenne exprime des idées de modification peu acceptables...

L'initiative de nos collègues est intéressante sur le plan institutionnel. Elle active une disposition prévue par l'article 88-4 de la Constitution qui permet au Sénat de formaliser une proposition de résolution sur « tout document émanant d'une institution européenne ». Hors transmission formelle d'un texte, il suffit que celui-ci existe, sous une forme ou sous une autre, en l'espèce un simple document de travail.

Cette faculté a été activée en 2009, par exemple, à l'occasion de la mise en place des profils nutritionnels et de l'élaboration du vin rosé. Nous nous souvenons tous de ces débats ! La viticulture est un secteur cher aux sénateurs, comme l'a montré leur pugnacité lors de la réforme des droits de plantation. Cette fois encore, il ne fait pas de doute que notre mobilisation conduira la Commission à reprendre ses travaux et à proposer une autre réglementation, plus respectueuse des professionnels et des traditions viticoles.

La révision de la réglementation viticole s'inscrit dans la réforme générale, marquée par une libéralisation encadrée du secteur. L'année 2016 est celle de l'entrée en application du nouveau régime des autorisations de plantation. Le texte sur la réglementation viticole est le deuxième « gros » texte visant le secteur. Il suscite les mêmes appréhensions. Pour mener à bien cette réforme, la Commission avait le choix entre une révision d'ensemble ou une révision sujet par sujet, petit bout par petit bout. C'est malheureusement cette seconde voie qui a été privilégiée.

Nos collègues ont eu connaissance de différents documents préparés par la Commission européenne qui concernent l'étiquetage et le régime applicable aux appellations et aux mentions traditionnelles. Cette révision est présentée comme un travail de simplification et d'actualisation, en cohérence avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. C'est ce qu'on appelle la « lisbonnisation » des textes.

Le secteur viticole relève d'une réglementation spécifique, dont l'essentiel a été fixé en 2008 dans une organisation du marché dite « OCM vins ». Ce règlement du Conseil a été complété par des règlements de la Commission, au titre de sa compétence d'exécution. Ces textes sont encore en vigueur, même s'il n'existe plus d'OCM vins mais une OCM unique. Le traité de Lisbonne a modifié le régime des actes d'application. La nouvelle architecture est organisée autour des actes délégués et des actes d'exécution. C'est sur ce fondement que la Commission a préparé des textes exploratoires, qui posent plusieurs questions.

La première est celle du moment : il n'y a ni obligation ni urgence à adopter de nouveaux textes. La deuxième est celle de l'opportunité : une révision des textes s'impose lorsqu'il y a une obsolescence ou lorsqu'il y a une demande. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Ni nécessité, ni urgence, ni demande. Sous couvert de simplification, quel est alors le but recherché par la Commission européenne ? Tout part d'un texte préparatoire, non signé, non daté, sans cote ni référence, ce qu'on appelle un « non paper », censé donner une piste de réflexion sans engager l'institution, en l'espèce la Commission. De bons contacts avec le milieu viticole nous ont permis d'en prendre connaissance. Il porte sur des sujets très importants pour la viticulture, l'étiquetage, les appellations d'origine protégée, les indications géographiques protégées. Les mentions traditionnelles de type « château », « clos », « vendanges tardives, ne sont pas mentionnées.

Cet avant-projet suscite beaucoup d'appréhension de la part des milieux professionnels et des États viticoles. Tous gardent en mémoire l'expérience désastreuse de la réforme annoncée des droits de plantation. Il ne faut pas répéter les erreurs du passé, ne pas s'engager dans une libéralisation débridée du secteur dans une conjoncture de grande vulnérabilité.

Dans la réglementation actuelle, les trois sujets - étiquetage, indications géographiques, mentions traditionnelles - sont liés. L'étiquetage renvoie à l'utilisation des labels de qualité et aux mentions traditionnelles. Les appellations ouvrent des droits, notamment celui de l'utilisation des mentions traditionnelles. La Commission européenne proposerait d'éclater cet ensemble.

Ce projet de réglementation revient à nier la spécificité viticole qui existe du point de vue normatif. Le vin est le seul produit élaboré à être réglementé de la production à la consommation, depuis les normes de fabrication jusqu'aux règles d'étiquetage.

Mais le plus important, c'est que ces règles ne visent pas seulement les aspects sanitaires et l'information du consommateur, mais sont des outils de gestion des marchés. Étiquetage, indications géographiques, mentions traditionnelles forment un tout. On ne peut parler d'étiquetage sans évoquer l'utilisation des labels géographiques. On ne peut parler de vins à indication géographique sans évoquer les vins sans indication géographique.

La Commission, sous couvert de simplification, risque de détruire cette organisation.

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