Intervention de Éric Bocquet

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 mars 2016 à 8h30
Économie finances et fiscalité — Marchés d'instruments financiers : communication de mm. éric bocquet et jean-paul emorine

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet, rapporteur :

Nous avons travaillé dans des délais assez brefs sur un sujet extrêmement complexe qui, comme le vin, peut donner mal à la tête en cas d'excès... Nous avons échangé avec les services de Bercy. Le 18 février dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de directive COM (2016) 56 final et une proposition de règlement COM (2016) 57 final pour décaler d'un an, au 3 janvier 2018, la date d'entrée en vigueur du dispositif législatif MIF II. S'appuyant sur un large consensus des États et la perspective d'un accord très rapide au Conseil, elle justifie ce report par l'impréparation des systèmes informatiques aux nouvelles exigences réglementaires, tant chez les acteurs de marché que chez les superviseurs nationaux et européens - même si les États membres restent tenus par le calendrier initial de transposer la directive MIF II au plus tard le 3 juillet 2016. Si le nouveau calendrier est respecté, dix ans auront été nécessaires, depuis la crise financière, pour appliquer effectivement ces deux textes fondamentaux pour la régulation des marchés financiers. Nous nous en étonnons ; quelles en sont les véritables raisons et les conséquences ?

Selon le législateur européen, MIF II doit :

- apporter des solutions aux conséquences indésirables de MIF I qui, en favorisant la concurrence, avait fragmenté et opacifié davantage les marchés financiers - à l'encontre du but recherché,

- et à la suite de la crise et dans le sillage des objectifs du G20, améliorer la surveillance et la résilience des marchés en renforçant la transparence des transactions. MIF II prévoit une obligation de transparence, avant et après la négociation, élargie aux marchés des obligations et des dérivés ; le regroupement en un seul lieu de l'ensemble des données de marché - le consolidated tap - pour donner aux investisseurs et aux superviseurs une vue d'ensemble de toutes les activités de négociation ; une redéfinition des frontières entre le gré à gré et le marché organisé afin de couvrir réglementairement le plus grand nombre possible de transactions à l'intérieur du second ; un contrôle renforcé de certaines pratiques de marché comme le trading algorithmique, dont notamment le trading haute fréquence.

La législation MIF s'accompagne de très nombreuses mesures dites de niveau 2, notamment les actes délégués de la Commission et les normes techniques de réglementation (RTS). Conformément au mandat qui lui a été confié, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a élaboré des projets de RTS qui précisent, en 1 500 pages, de nombreuses obligations de transparence. Les articles 10 à 14 du règlement instituant l'AEMF organisent le processus d'adoption des mesures de niveau 2. Les projets de normes techniques de MIF II ont été publiés par l'AEMF le 28 septembre dernier - avec deux mois de retard sur l'agenda officiel - et doivent être approuvés par la Commission européenne. Cette dernière aurait dû le faire avant le 28 décembre 2015. Le Conseil et le Parlement européen devront ensuite donner leur accord dans le meilleur des cas dans un délai d'un à trois mois. Ces textes restent donc en débat sur le fond, et leur calendrier d'adoption ne peut être encore confirmé. Ce n'est qu'à l'issue de ce processus de validation que les systèmes informatiques adéquats pourront être développés.

Quelles seraient donc les causes du retard ? Alors que la Commission européenne s'abrite derrière un retard technique, certains États membres et des acteurs des marchés sont fortement préoccupés par la réglementation de niveau 2. Leurs demandes sur les normes précisant à quel type d'instrument et à partir de quel seuil doivent s'appliquer les obligations de transparence, pourraient être à l'origine de l'allongement de la négociation. L'exercice est délicat car il nécessite de tenir compte des interactions avec le fonctionnement des marchés et notamment des enjeux de liquidité.

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