Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 28 mars 2013 : 1ère réunion
Économie finances et fiscalité — Point d'actualité sur chypre

Photo de Simon SutourSimon Sutour, président :

Le Parlement chypriote, disais-je, a rejeté le plan - aucune voix ne s'est prononcée en sa faveur - et, en même temps, des divergences sont apparues en Europe. En effet, la taxe sur les dépôts bancaires contredisait le principe, posé par une directive européenne, de garantie des dépôts jusqu'à 100 000 euros. Certains craignaient un effet de contagion et une panique bancaire. De plus, le plan a suscité une vive réaction de la Russie, dont les investisseurs étaient particulièrement touchés. J'ai pu constater lors d'un déplacement à Limassol que toutes les inscriptions sont en russe et que la population est russophone : en fait, c'est une ville russe !

La Banque centrale européenne a mis la pression sur Chypre en indiquant qu'elle n'alimenterait plus les banques chypriotes à partir du 25 mars si un accord n'était pas trouvé.

Chypre a proposé de créer un « fonds de solidarité » destiné à recapitaliser les banques, mais cette solution a paru manquer de crédibilité comme de rapidité, alors que le risque de faillite d'une des deux plus grandes banques chypriotes, la Banque Laiki, se précisait.

Finalement un nouveau plan de sauvetage a été adopté in extremis. La banque Laiki sera scindée en deux, une bad bank étant créée pour gérer les actifs considérés comme toxiques mais aussi les dépôts supérieurs à 100 000 euros, qui seront soumis à un prélèvement de 40 %. Les prêts non risqués et les dépôts de moins de 100 000 euros sont transférés à une nouvelle entité, la National Bank of Cyprus. Aucune taxe ne sera imposée sur ces dépôts. Ce nouveau dispositif pourrait rapporter 2 milliards d'euros à l'État chypriote.

La Bank of Cyprus, première banque du pays, reprendra ultérieurement l'ensemble des dépôts assurés transférés à la National Bank of Cyprus, ainsi que les dettes de la Laiki Bank contractées auprès de la Banque centrale européenne, estimées à 9 milliards d'euros. Un prélèvement de 30 % sur les dépôts supérieurs à 100 000 euros s'appliquera également à la Bank of Cyprus. Les déposants recevront, en contrepartie, des parts de capital de la banque : 4,2 milliards d'euros seront ainsi dégagés pour recapitaliser la banque. À terme, cette restructuration entraînera une réduction de moitié du secteur bancaire chypriote.

Le nouveau plan d'aide invite également les autorités chypriotes à mettre en place une restriction des mouvements de capitaux, pour éviter la fuite des capitaux, notamment étrangers.

En outre, certains aspects des plans précédents ont été repris : augmentation des taux d'imposition sur les sociétés et les plus-values, évaluation des risques de blanchiment d'argent au sein du système bancaire local, privatisations et réformes structurelles. Le montant de l'aide de l'Union européenne et du FMI s'élève à 10 milliards d'euros, permettant à la dette publique de rester soutenable - elle atteindrait 100 % du PIB à l'horizon 2020.

Le pire a été évité, mais l'avenir de Chypre paraît sombre à l'issue de cette nouvelle crise au sein de la zone euro.

Les conséquences sociales et économiques de la restructuration du secteur bancaire vont être lourdes. La disparition de la Laiki Bank conduit à la suppression de 8 000 emplois dans une île déjà fragilisée par une augmentation inédite du taux de chômage, qui pourrait atteindre près de 15 % de la population active en 2014. Plus largement, les pertes que des déposants vont subir et l'augmentation des taxes remettent en question le modèle économique même du pays, qualifié par certains d'économie-casino. Le prélèvement sur les dépôts comme l'augmentation de la fiscalité pourraient freiner l'investissement et conduire à une fuite des capitaux. Les réserves gazières, quant à elles, ne devraient pas susciter de revenus avant, au mieux, la fin de la présente décennie.

La gestion européenne de la crise a été parfois chaotique. Les insuffisances dans le fonctionnement de l'Eurogroupe sont apparues au grand jour. Il a été incapable d'assumer le projet de taxe sur les dépôts bancaires annoncé le 16 mars ; il a ensuite fixé un objectif intangible de 5,8 milliards d'euros de recettes à fournir par Chypre, avant de le faire disparaître du communiqué final le 25 mars. La communication n'a pas été non plus très heureuse, le président de l'Eurogroupe, M. Dijsselbloem, annonçant que le sauvetage de Chypre était le nouveau modèle de résolution des crises bancaires, avant de revenir sur ces propos quelques heures plus tard. Aux difficultés du nouveau gouvernement chypriote à mettre en oeuvre un plan alternatif, a répondu une constante hésitation des instances européennes. Voilà qui montre que le renforcement de l'Union économique et monétaire doit encore se traduire dans la pratique.

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