Intervention de Alain Lamassoure

Commission des affaires européennes — Réunion du 2 novembre 2011 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Réunion conjointe avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale et les membres français du parlement européen sur la gouvernance économique européenne et la régulation financière

Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen :

Il est vrai que l'Union européenne souffre d'un problème de leadership dès lors qu'elle n'est pas identifiée à une personne faisant autorité. M. Garrigue a raison de le rappeler : en 2014, un changement profond interviendra qui, à mes yeux, sera le plus important de tous ceux qu'apporte le traité de Lisbonne. Du fait que celui-ci n'a été appliqué qu'à partir de décembre 2009, après les dernières élections européennes, l'actuel président de la Commission a en effet, comme ses prédécesseurs, été désigné comme le sont de hauts fonctionnaires internationaux tels que le directeur général du FMI ou le secrétaire général de l'ONU, même si le Parlement européen a ensuite validé ce choix. Son successeur, en revanche, sera élu par le Parlement au lendemain de l'élection européenne, sur proposition du Conseil européen qui revêtira pour l'occasion les habits d'un « chef d'État collectif » constatant le résultat des élections, puis proposant selon le cas au PPE et à ses alliés ou aux socialistes de présenter leur candidat. Cela conduira les diverses familles politiques européennes à présenter leur candidat quelques mois à l'avance. Nous demanderons alors à ceux-ci de se rendre dans chacun des États membres - ce qui ne s'est jamais fait - et les grands médias européens - même TF1 qui ne sait pas que Bruxelles existe et qui n'y entretient donc pas de correspondant permanent - se précipiteront pour organiser un face-à-face. Les citoyens européens s'intéresseront alors à l'Europe, suivront les débats, iront voter et le vainqueur en sortira légitimé par les millions d'électeurs européens. C'est alors que nous aurons un M. ou une Mme Europe - je m'amuse d'ailleurs par avance des relations qu'il ou elle entretiendra avec le Président de la République française, avec le chancelier allemand, avec le président du Conseil européen, etc. En attendant, nous devons nous efforcer de faire vivre ce système mieux que ce n'est le cas aujourd'hui.

Je partage en partie les critiques de Mme Bourzai sur le dernier Conseil européen. Nous devons aussi nous préoccuper des conséquences à tirer de la décision surprenante et à certains égards scandaleuse - non dans son contenu, mais dans son expression - du Premier ministre grec. Toutefois, ne parlons pas des marchés - qui n'existent pas -, mais des opérateurs ou des prêteurs. Comme il s'agit, en l'occurrence, de dette souveraine, ce sont les financiers les plus sérieux qui achètent des obligations d'État car leur statut prévoit que 10 % de leurs actifs fassent l'objet de placements de bon père de famille. Jusqu'à l'éclatement de la crise grecque, la dette souveraine était le meilleur d'entre eux : depuis 1945, aucun État membre de l'OCDE n'a fait faillite. Avec la crise grecque, nous avons découvert que des pays développés pouvaient honteusement truquer leurs chiffres et nous avons dès lors été amenés à y regarder d'un peu plus près.

L'annonce qu'a faite le Premier ministre grec montre que la crédibilité politique d'un pays est aussi importante que sa crédibilité économique ou budgétaire. Or M. Papandréou n'a plus la confiance de son peuple, raison pour laquelle il doit revenir devant lui, à la faveur soit d'un référendum, soit d'élections générales. Souvenons-nous que l'Irlande et le Portugal, deux pays de la zone euro qui ont eu besoin d'une aide de l'Union européenne, ont connu une situation un peu comparable. Comme en Grèce, il n'y a pas eu d'union nationale mais un affrontement violent entre la majorité et l'opposition, dont ces pays sont sortis par des élections générales. En Irlande, l'opposition l'a emporté en défendant un programme comportant la renégociation de l'accord que le gouvernement de M. Cowen avait passé avec l'Union. Le nouveau Premier ministre, mandaté à cet effet, s'est alors rendu à Bruxelles où il lui fut dit poliment qu'il n'y avait rien à renégocier. L'Irlande a donc appliqué l'accord et, aujourd'hui, elle s'en réjouit puisqu'elle est en train de sortir de la crise après avoir consenti des sacrifices plus importants que ceux qui sont demandés au peuple grec.

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