Intervention de Jean-Paul Gauzès

Commission des affaires européennes — Réunion du 2 novembre 2011 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Réunion conjointe avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale et les membres français du parlement européen sur la gouvernance économique européenne et la régulation financière

Jean-Paul Gauzès, député européen :

L'urgence est avérée. Je tiens à souligner qu'il n'y a pas de crise de l'euro mais une superposition de crises. La crise financière a conduit à une régulation, mais le problème tient à la longueur du délai d'application des mesures décidées. Voyez la directive relative aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs : elle devra avoir été transposée en 2013 pour entrer en vigueur en 2018. Si, avant cela, il n'y a pas eu de nouvelle crise, et si les intéressés n'ont pas trouvé le moyen d'échapper à cette nouvelle réglementation, nous aurons beaucoup de chance !

La deuxième crise est celle de l'endettement des États, dont il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'elle n'est pas liée à l'euro mais à trente années de vie dispendieuse.

La crise grecque n'est pas davantage due à la monnaie unique. L'euro a certainement facilité les dérives de la Grèce en lui permettant de bénéficier de taux d'intérêt plus bas que ceux qu'elle méritait, mais les difficultés du pays préexistaient à son entrée dans la zone euro - chacun sait maintenant que de grandes banques l'ont aidée à altérer ses comptes.

Reste la quatrième crise, celle de la gouvernance économique de la zone euro. Je puis vous dire qu'en cette matière le blocage français a porté sur la « grave atteinte » à la souveraineté nationale qui aurait résulté de la possibilité de votes à la majorité qualifiée inversée sur le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. Comment expliquer vite et simplement à nos concitoyens ce que recouvre cette formulation absconse ? Il y a une grande schizophrénie, pour ne pas dire duplicité, entre les annonces faites et la réalité des négociations, où l'on trébuche sur des détails qui, bien qu'insignifiants, sont présentés aux dirigeants comme essentiels, sans que l'on ose ensuite leur dire que l'on pourrait parfaitement faire machine arrière et s'accorder. Voilà pourquoi on a eu tant de mal à faire adopter le paquet « gouvernance économique ».

Tout à l'heure, on a loué le rapport sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques, dont l'auteure est une députée européenne socialiste. Mais sur le rapport principal, celui que Mme Wortmann-Kool a consacré au renforcement du pacte de stabilité et de croissance, il y a eu une fracture au sein du Parlement européen entre la droite et la gauche, entre ceux qui voulaient plus de cohérence et éventuellement des sanctions automatiques et ceux qui étaient défavorables au renforcement du pacte pour laisser une place à la croissance. C'est pourquoi ce rapport n'a été adopté qu'à quelques voix près, par 333 voix sur 662 votants. Cette divergence devra être traitée. Construit-on l'avenir sur des nénuphars ? Ne faut-il pas commencer par mettre de l'ordre - ce qui explique les politiques d'austérité ou de rigueur - avant de rêver à ce que pourra être la croissance ?

Il y a urgence, disais-je. Chacun de nous voit, dans sa circonscription, que l'économie réelle subit les conséquences de la crise, jusqu'à présent atténuées par les amortisseurs sociaux. Ni les citoyens, ni les investisseurs, ni les marchés n'ont plus confiance. Parce que l'on ne peut se passer des marchés, il faut rétablir la confiance, et cela ne se pourra si l'on est incapable de prendre des décisions politiques et de les appliquer.

Je prendrai l'exemple simple des agences de notation, que tout le monde agonit. Elles ont certes une part de responsabilité dans la crise, mais pas l'entière responsabilité de la crise. Pourtant, les deux seules réglementations européennes nouvelles en matière financière applicables depuis la fin de la crise les concernent : le règlement de 2009 prévoyant qu'elles doivent être agréées et supervisées, et celui de 2010 prévoyant que la supervision doit être européenne. Or, aucune des trois grandes agences de notation principales n'est encore ni agréée ni supervisée car les collèges de régulateurs constitués à titre temporaire en attendant l'installation de l'Autorité européenne des marchés et valeurs mobilières (ESMA) ne prennent pas le temps - les Britanniques font blocage - d'examiner les dossiers ! Mécontent de mes attaques, le président de l'ESMA - où aucun Français ne siège depuis que M. Jouyet a dû céder sa place à un Bulgare - est venu me dire qu'il n'y était pour rien. Mais si les choses ne changent pas, je continuerai de dire que ni l'ESMA ni les superviseurs nationaux ne font leur travail. Ces comportements expliquent pourquoi les marchés ne croient pas à nos annonces : la législation existe mais elle n'est pas appliquée.

Par ailleurs, les banques américaines - dont la City londonienne est la place offshore - ne prêtent plus de dollars aux banques européennes, auxquelles elles ne font plus confiance. Celles-ci ne peuvent donc plus financer les activités qui doivent l'être en dollars, telles l'industrie aéronautique ou les grandes infrastructures. Leurs activités se contractent, et des licenciements sont prévisibles dans le secteur bancaire européen. Pour cette raison aussi, il y a urgence à agir.

Enfin, j'observe que dans les deux pays de l'Union autres que la Grèce confrontés à une crise grave, l'union nationale s'est finalement faite. Dans le cas de la Grèce, ce n'est pas le cas : l'opposition veut des élections anticipées pour avoir le pouvoir... sans savoir ce qu'elle en fera. Au cours d'un débat assez rude au sein du groupe PPE, en juillet, nous avons signalé à nos collègues grecs qu'ils faisaient fausse route, et nos collègues allemands leur ont signifié qu'ils ne devraient pas compter sur eux pour se voir octroyer de l'argent pour rétablir la situation. Le Premier ministre grec, qui a pris la décision invraisemblable et irresponsable que l'on sait, est coincé entre une opposition peu réaliste et l'aile gauche du PASOK qui suscite la colère des syndicats. Le drame de la Grèce, c'est qu'elle prend la plus mauvaise voie : celle qui conduira, déciderait-elle par référendum de ne pas appliquer le plan, à son exclusion automatique de la zone euro.

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