Intervention de Henri Weber

Commission des affaires européennes — Réunion du 2 novembre 2011 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Réunion conjointe avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale et les membres français du parlement européen sur la gouvernance économique européenne et la régulation financière

Henri Weber, député européen :

Il me paraît nécessaire de centrer notre débat sur la gouvernance économique européenne. Nous sommes confrontés à une difficulté de taille. La situation requiert un saut institutionnel vers le fédéralisme et une plus grande intégration économique, sociale et fiscale de l'Union européenne - faute de quoi, on ne pourra mutualiser la dette. Déjà, pour empêcher la contagion, la Banque centrale européenne rachète de la dette italienne à jet continu : elle a déjà racheté 165 milliards de dette souveraine, ce qui est contraire à tous les traités. Ce faisant, elle la monétise. Jusqu'à quand l'Allemagne, payeur en dernier recours et hostile à ce qu'elle nomme « l'Union des transferts », acceptera-t-elle cela ? Pour l'instant, l'Allemagne accepte de jouer les pompiers ; elle continuera de le faire et acceptera une solution coopérative parce qu'elle est la principale bénéficiaire de la construction européenne, et de loin. Deux tiers des exportations allemandes se font avec l'Union européenne et l'Europe ; les Allemands auraient tout à perdre, d'un point de vue monétaire et économique, de la désagrégation de l'Union. Ils sont donc favorables à une coopération, mais pas à n'importe quel prix. Aussi souhaitent-ils un saut institutionnel qui permettrait de contrôler les budgets et les dépenses. Le semestre européen et la coopération entre les Parlements vont dans la bonne direction, mais comme souvent en matière européenne, c'est « trop peu et trop tard » - en tout cas trop peu.

Le gouvernement économique est la clef de voûte de l'ensemble. Si l'on n'y parvient pas, chacun reprendra ses billes. En réalité, on s'est replié, depuis quinze ans, sur la méthode intergouvernementale : inutile de se le cacher, l'Union européenne est une entité intergouvernementale. Si la Commission européenne est dans l'état que l'on sait, c'est que les gouvernements l'exigent : M. Barroso ne peut parler haut et fort sans se faire remettre à sa place par Berlin et Paris !

Pourquoi tout cela ? M. Alain Lamassoure a dit : « Nous étions arbitres, nous devons devenir acteurs ». C'est un fait : la règle de l'unanimité empêche l'Union européenne d'agir et ne lui permet que d'arbitrer ; elle en fait une puissance uniquement normative, qui n'exerce pas de pouvoir discrétionnaire. On peut s'en satisfaire lorsque la croissance mondiale est forte, comme c'était le cas au cours des années 1990 - rappelons-nous que, pendant 17 ans d'affilée, de 1990 à 2007, la croissance annuelle moyenne a été supérieure à 3% aux États-Unis -, mais quand on entre dans une zone de turbulences, il faut agir, et ceux qui peuvent agir, ce sont les Etats. C'est pourquoi l'on est passé de la méthode communautaire à la méthode intergouvernementale, dont on voit maintenant les limites : les délais nécessaires pour prendre la moindre décision et pour l'appliquer, alors que les marchés réagissent à la vitesse de la lumière. Voilà pourquoi le saut institutionnel est indispensable.

Il y a dix-huit mois encore, parler de gouvernance économique européenne était considéré comme une inconvenance sortant de la bouche d'indécrottables colbertistes. A présent, plus personne n'en discute le principe - et certainement pas les Allemands. On en discute le périmètre, les fonctions, l'architecture, et il faut des réponses circonstanciées sur ces points car il existe des divergences. Certains pensent que, pour renouer avec la méthode communautaire, il faut construire la gouvernance économique à partir du Parlement et de la Commission qui doivent travailler ensemble, l'un contrôlant l'autre qui doit avoir un rôle d'impulsion. D'autres pensent qu'avec une Commission de vingt-sept commissaires dont tous n'ont pas forcément la même efficacité, on n'y arrivera pas et qu'en conséquence il faut contourner la Commission et construire une autorité à partir du Conseil - c'est la position du gouvernement français. Une réflexion s'impose donc sur les fonctions, le périmètre et l'architecture de l'Union. Des rapports détaillés sur les diverses propositions seraient les bienvenus ; ils permettraient de les examiner une à une et de choisir une option.

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