Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 janvier 2017 à 9h00
Institutions européennes — Suivi des résolutions européennes : Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état aux affaires européennes

Harlem Désir, secrétaire d'État :

Merci de votre accueil. Cette audition participe du bon fonctionnement de notre démocratie en même temps que du renforcement de nos positions dans les négociations européennes. Elle met en exergue l'ampleur et la qualité du travail réalisé par votre commission. Elle montre également l'influence de vos travaux et leur convergence avec les positions défendues par le Gouvernement : de nombreuses idées et propositions formulées par la Haute Assemblée sont prises en compte dans les compromis adoptés par les institutions européennes. Les fiches de suivi du SGAE le montrent bien. Je voudrais également souligner la très grande convergence de vos travaux avec les priorités de l'agenda de relance de la construction européenne adopté à Bratislava en septembre 2016, qui sert de feuille de route à l'Union post-Brexit comme à la préparation du sommet qui marquera le soixantième anniversaire du Traité de Rome le 25 mars prochain.

La résolution n° 124, présentée par Simon Sutour et Philippe Bonnecarrère, insistait sur la nécessité de mieux contrôler les frontières extérieures de l'Union, de mettre en place un PNR européen et d'engager une réflexion sur la définition d'une politique commune des visas prenant en compte des indicateurs de risques liés à la menace terroriste. Nous partageons pleinement ces objectifs car la soutenabilité et la pérennité de l'espace Schengen impliquent que les frontières extérieures soient efficacement sécurisées et protégées.

Des avancées essentielles ont été obtenues. Le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, doté d'une réserve mobilisable de 1 500 agents fournis par les États membres, a été mis en place en octobre 2016. Reste à le déployer. Il va permettre de mieux assurer la mission de contrôle et de sécurisation que l'agence Frontex ne pouvait conduire pleinement faute de disposer du mandat ou des capacités nécessaires. L'adoption de la directive sur le PNR européen, en avril dernier, après de longues négociations, est une décision très importante car il s'agit d'un outil essentiel pour la prévention et la détection des infractions terroristes. Il faut à présent que les États membres la transposent.

Nous devons poursuivre notre action en faveur de la révision du code frontières Schengen, de l'interopérabilité de nos systèmes d'information et de la mise en place des contrôles à l'entrée et à la sortie dans le cadre du paquet « frontières intelligentes ». En particulier, un système européen d'information et d'autorisation des voyages (Etias), sur le modèle de l'Electronic System for Travel Authorization (ESTA) américain, a été présenté par la Commission européenne, notamment à la demande de la France. Il est encore peu connu, cependant.

Le Conseil européen de décembre a fixé sur ces dossiers des objectifs clairs. Un accord est attendu d'ici juin 2017 sur le système d'entrée et de sortie et, d'ici la fin de l'année 2017, sur le système Etias.

Outre le contrôle des frontières, vous insistiez sur la nécessité pour l'Union européenne de renforcer la coopération policière et judiciaire et la coopération en matière de renseignement, notamment par le biais d'Europol et d'Eurojust.

Sur ce plan également des progrès ont été faits. En décembre 2016, le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord sur la proposition de directive visant à renforcer le cadre juridique de l'Union pour la prévention des actes terroristes. Il s'agit notamment d'ériger en infraction certains actes comme l'entraînement au terrorisme ou l'organisation et la participation à des voyages à des fins de terrorisme. Le droit français traite ces cas, mais dans d'autres pays cela reste à organiser. C'est indispensable, afin que les personnes revenant des zones de combat soient traitées sur le plan judiciaire.

Il s'agit également de renforcer les règles concernant l'échange entre les États d'informations relatives à des infractions terroristes recueillies dans le cadre d'une procédure pénale, notamment par le biais d'Europol et Eurojust. Le Conseil des ministres de la justice et des affaires intérieures de décembre dernier a donné une véritable impulsion politique au projet de création d'un parquet européen. Des résistances perdurent chez certains États membres, qui craignent une remise en cause de leur souveraineté, mais nous devons poursuivre avec la majorité significative d'États membres qui souhaitent avancer.

La stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union pour la période 2015-2020, que vous souteniez dans votre résolution, permet de tirer un bilan régulier des actions menées en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité intérieure.

Beaucoup reste à faire. En juin prochain, la Commission devrait ainsi formuler des propositions pour renforcer nos systèmes d'information afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme sur Internet.

La résolution n° 130 du Sénat, présentée par Jean-Yves Leconte et André Reichardt, soulignait la nécessité de revoir la gouvernance de Schengen pour faire face à la crise migratoire, de renforcer le contrôle des frontières extérieures, de repenser le système d'asile au niveau européen, d'améliorer l'accueil et l'enregistrement des migrants et de lutter contre l'immigration illégale. Le Gouvernement a rappelé avec fermeté son attachement à la solidarité entre les pays de l'Union européenne : l'Italie et la Grèce ne peuvent pas être laissées seules face à l'arrivée des migrants.

Les Européens doivent oeuvrer collectivement pour renforcer leurs agences communes que sont Frontex et le Bureau européen d'appui à l'asile (EASO), dont il faut renforcer les moyens et le cadre d'action. À cet égard, la France est exemplaire, et le directeur exécutif m'en a remercié lors de la visite que j'ai effectuée au siège de l'EASO lundi à Malte avec mon homologue allemand. La France est aussi exemplaire dans les relocalisations : près de 40 % des relocalisations en provenance de Grèce ont été effectuées chez nous ! Avec l'Allemagne, nous assumons l'essentiel de cet effort.

La déclaration UE-Turquie de mars dernier et la fermeture de la route des Balkans ont permis une réduction massive des flux migratoires en Méditerranée orientale, et donc des naufrages aux large des îles grecques. C'est pourquoi nous devons continuer dans cette voie, en restant vigilants, car d'une semaine à l'autre les variations des flux peuvent être considérables.

Une politique migratoire efficace à l'échelle européenne passe aussi par le renforcement de la lutte contre les filières d'exploitation de l'immigration illégale en Méditerranée centrale. Il s'agit essentiellement des flux entre la Libye et l'Italie, qui ont atteint en 2016 un volume de 180 000 personnes. Cela s'explique par l'effondrement de l'État en Libye. Et des milliers de personnes perdent la vie dans ce trafic criminel et hautement lucratif pour ceux qui l'organisent.

Nous avons obtenu une extension du mandat de l'opération EUNAVFOR MED Sophia, qui comprend désormais la lutte contre le trafic des armes au large de la Libye, car il est organisé par les mêmes passeurs, et la formation des garde-côtes libyens. Nous sommes en discussions avec nos partenaires libyens pour que cette formation soit aussi rapide que possible. Ainsi, les eaux territoriales libyennes seront mieux contrôlées.

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