La Commission européenne a présenté, le 26 février, les rapports par pays, documents qui évaluent la situation économique et financière de chacun des pays de l'Union européenne. Ces documents établissent, s'il existe, un risque de déséquilibre macro-économique dans chacun des pays tout en vérifiant si les objectifs assignés dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance ont été respectés.
Les rapports par pays 2016 sont présentés dans le cadre de ce que la Commission européenne appelle le semestre européen rénové. L'an dernier, Jean-Claude Juncker avait estimé que la procédure actuelle constituait une « usine à gaz ». Après la publication du rapport des cinq présidents sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, la Commission a présenté, le 21 octobre 2015, une communication destinée à mettre en oeuvre immédiatement plusieurs mesures, dont la réforme du semestre européen.
Cette réforme, de bon sens, consiste en un examen global de la situation européenne en amont, avant l'examen de la situation de chaque pays. Ainsi, la Commission a présenté en novembre dernier un projet de recommandation sur l'ensemble de la zone euro, définissant une stratégie globale. Si ce document n'est pas une nouveauté, sa parution au début du semestre représente un changement. Auparavant le semestre européen se concentrait sur une revue de la situation individuelle des États membres ; et ce, en dépit du « two pack », entré en vigueur il y a trois ans, qui prévoit une délibération de l'Eurogroupe sur la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble.
Dans sa communication d'octobre 2015, la Commission européenne prévoit également que le semestre européen se concentre davantage sur les performances dans le domaine social et en matière d'emploi, promeuve la convergence, via la mise en place de critères et l'échange de bonnes pratiques, et soutienne de façon plus ciblée les réformes par l'intermédiaire des fonds de l'Union européenne.
La publication de l'examen annuel de la croissance est doublée d'une analyse pour chaque pays des principaux obstacles à l'investissement. Elle constitue le point de départ de l'évaluation des situations nationales. Dans le même temps, la Commission continue de surveiller la conformité des stratégies budgétaires nationales avec le pacte de stabilité et de croissance.
Venons-en à la procédure pour déséquilibre macro-économique. Celle-ci a été introduite en 2011 dans le cadre du « six pack ». Chaque année, la Commission européenne rédige un rapport sur le mécanisme d'alerte. Celui-ci, fondé sur des indicateurs et d'autres analyses économiques et financières, évalue la situation des pays afin de détecter des évolutions pouvant refléter des déséquilibres possibles. S'appuyant sur ce rapport, la Commission identifie les pays qui peuvent être affectés par un déséquilibre et pour lesquels une analyse supplémentaire est requise. Il s'agit d'une approche graduée, cinq catégories précédant celle où peuvent être émises des sanctions. Le Conseil passe en revue le rapport et adopte des conclusions, sous la forme d'une recommandation. Le dernier stade, soit la procédure pour déséquilibre excessif, n'a jamais été mise en oeuvre. Le 8 mars dernier, la Commission européenne a ramené la procédure pour déséquilibre de six à quatre catégories : absence de déséquilibres, déséquilibres, déséquilibres excessifs et déséquilibres excessifs avec mesures correctives. La procédure, qui se veut désormais plus transparente, doit mieux prendre en compte les retombées dans d'autres États et les questions systémiques. Vingt pays sur vingt-huit faisaient l'objet d'un bilan dans le cadre de cette procédure.
Le 21 octobre dernier, la Commission a proposé d'ajouter trois nouveaux indicateurs au tableau de bord : taux d'activité, chômage des jeunes et chômage de longue durée. Le 15 janvier, le Conseil a exprimé ses doutes sur l'intérêt d'introduire ces indicateurs. La Commission européenne reconnaît elle-même que l'obtention de résultats défavorables pour ces nouveaux indicateurs n'implique pas une aggravation des risques macrofinanciers.
Abordons, enfin, la recommandation sur la zone euro. Adoptée le 26 novembre, elle cible quatre axes. Le premier consiste en la mise en place de politiques de soutien de la relance, d'encouragement à la convergence, de correction des déséquilibres macroéconomiques et d'amélioration de la capacité d'ajustement. Les États disposant d'une dette publique et privée élevée sont encouragés à mettre en oeuvre des réformes de nature à accroître la productivité, la création d'emplois, à améliorer l'environnement des entreprises et leur compétitivité. Les États affichant des excédents importants de leurs comptes courants sont, quant à eux, incités à prendre des mesures destinées à canaliser le surplus d'épargne vers l'économie domestique et doper l'investissement national. Cette précision a été modifiée par le Conseil Ecofin le 15 janvier : les États sont désormais invités à adopter en priorité des mesures, y compris des réformes structurelles, qui contribuent à renforcer leur demande intérieure et leur potentiel de croissance ; sans plus de précision.
Le deuxième axe porte sur les marchés du travail, des produits et des services. Les États sont invités à mener des réformes combinant des contrats d'emploi souples et fiables, facilitant la fluidité sur le marché du travail. Des stratégies d'apprentissage tout au long de la vie et des politiques efficaces en faveur de la réintégration des chômeurs sur le marché du travail sont souhaitées. La réduction de la fiscalité sur le travail doit être envisagée de façon à créer des emplois et à améliorer la compétitivité des marchés des produits et des services. La baisse des charges doit toutefois être neutre sur le plan budgétaire.
Le troisième axe concerne la situation budgétaire des États membres, l'année 2017 devant être consacrée à la réduction de la dette publique afin de rétablir des réserves budgétaires et éviter des politiques procycliques.
La dernière recommandation a trait à la réduction du volume de prêts non productifs et à l'amélioration des procédures d'insolvabilité des entreprises et des ménages. Un désendettement ordonné dans les pays disposant d'une dette privée élevée est recommandé.
La recommandation est conforme aux orientations du rapport sur l'examen annuel de croissance, également adopté le 26 novembre : relance de l'investissement, poursuite des réformes structurelles et mise en oeuvre de politiques budgétaires responsables. Emmanuel Macron l'a indiqué le 29 février dernier, même si ces règles apparaissent trop restrictives, il ne s'agit pas d'ouvrir des négociations bilatérales mais de respecter les règles définies ; il y va de la crédibilité de chacun. Cela étant, la politique budgétaire européenne pourrait être plus expansionniste. Notre ministre de l'économie craint que nous ne fassions « fausse route » dans une situation économique assez sombre.
Je laisse désormais Fabienne Keller présenter les principales conclusions des rapports par pays.