Monsieur le secrétaire d'État, nous vous avons reçu le 4 février dernier dans le cadre des auditions pré-conseil Affaires générales du 10 février, et nous vous remercions d'être à nouveau parmi nous pour notre traditionnelle audition post-Conseil européen, tenue conjointement avec la commission des affaires européennes du Sénat.
Depuis notre dernière rencontre, se sont déroulés les événements de Copenhague. La lutte contre le terrorisme, qui est au coeur de nos préoccupations, a été l'un des quatre sujets abordés par le Conseil européen du 12 février dernier, avec la politique d'immigration, la question grecque, et le problème ukrainien, qui reste inquiétant malgré l'accord de Minsk.
En matière de lutte contre le terrorisme, sur quels points a-t-on progressé au Conseil ? Où en sommes-nous concernant le quelque peu controversé PNR européen, la lutte contre les messages terroristes sur internet, et la lutte contre toutes les formes de discrimination, notamment grâce à l'éducation et l'information ? Au Danemark comme en France, il est frappant de constater que les terroristes ne sont pas des étrangers mais de jeunes nationaux. Une question est donc posée à toute l'Europe et à ses valeurs de liberté, de tolérance et d'humanisme. La liberté d'expression est bien la cible des terroristes. Quelle réponse collective, européenne, solidaire sommes-nous en mesure d'apporter ?
En ce qui concerne la situation de la Grèce dans la zone euro, que pouvez-vous nous dire des discussions en cours, à la suite du Conseil européen mais aussi de la réunion, hier, de l'Eurogroupe qui n'a pas encore permis d'aboutir ? Peut-on envisager un accord sur la dette grecque ? Peut-on à la fois espérer un allégement du fardeau que l'austérité a fait peser sur les citoyens grecs, et compter sur les réformes en profondeur qui rendront l'État grec à la fois plus juste et plus efficace ? Les Français, créanciers de la Grèce, peuvent-ils aider l'Eurogroupe aussi bien que l'État grec à sauver la face ? Un compromis doit être trouvé car nous avons besoin d'un signal positif - si la Grèce sortait de l'euro, que ferions-nous après l'effondrement du château de cartes que cela risquerait de provoquer ? Plutôt que d'entrer dans une logique de précipitation, ne pourrions-nous pas donner un peu de temps à un gouvernement qui vient seulement de s'installer - même s'il n'est pas absous de l'action de ses prédécesseurs ?
Au sujet de la politique européenne en matière d'immigration, notre commission des affaires européennes a adopté la semaine dernière une proposition de résolution européenne appelant les États de l'Union et les institutions européennes à se mobiliser beaucoup plus fortement, dans un esprit solidaire, notamment pour faire face aux drames qui surviennent de plus en plus souvent en Méditerranée - il vient encore de s'en produire un au large de l'île de Lampedusa. Que peut-on espérer dans ce domaine ? Il semble que la politique menée aujourd'hui ne soit pas vraiment suffisante. Elle ne peut pas se contenter d'être protectrice ; elle doit s'attaquer aux racines du problème en renforçant notre efficacité et en interrogeant notre solidarité avec les pays du Sud.
La solidarité vaut aussi entre les État membres : nous ne pouvons pas laisser l'Italie, la Grèce ou Malte affronter seules les drames qui se jouent en Méditerranée. En matière d'accueil de réfugiés, je rappelle que notre pays n'a toujours pas respecté son engagement de recevoir cinq cents réfugiés syriens. Il faut aussi impérativement lutter ensemble contre les trafics d'êtres humains.
Le Conseil de l'Europe a publié aujourd'hui le rapport de son commissaire aux droits de l'homme, M. Nils Muiúnieks, sur la visite qu'il a effectué en France du 22 au 26 septembre dernier. Ses constats très sévères sur l'accueil des demandeurs d'asile et des mineurs isolés devraient sans doute nous faire réagir. Les débats du Conseil nous fournissent-ils des pistes en la matière ?
Concernant l'Ukraine, la démarche diplomatique franco-allemande est inédite dans sa méthode. Elle a sans doute été déterminante : elle doit être saluée à sa juste valeur. Il s'agit une étape importante pour renforcer la voix de l'Europe. En tout état de cause, nous devons marcher sur deux jambes : le territoire ukrainien et l'accord d'association doivent être respectés, en même temps que l'Ukraine doit impérativement poursuivre les réformes démocratiques qu'elle a entamées. Le 4 février dernier, réunis à Riga, en Lettonie, les présidents de toutes les délégations des parlements européens auprès de la COSAC et les représentants du Parlement européen ont adopté une résolution demandant l'application de ces deux principes. Le Conseil a-t-il pris des positions claires en ce sens ? À terme, la question de la Moldavie peut-elle être posée ? D'autres pays que l'Ukraine peuvent-ils être concernés ?