Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 février 2015 à 18h30
Institutions européennes — Audition conjointe avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale de M. Harlem Désir secrétaire d'état aux affaires européennes sur le conseil européen extraordinaire des 12 et 13 février 2015

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Je me félicite de l'occasion qui nous est donnée d'avoir un échange avec le Gouvernement sur les résultats du Conseil européen du 12 février. Le débat préalable organisé régulièrement au Sénat nous permet de dialoguer avant la réunion du Conseil, et nous avons souhaité, avec les membres de la commission des affaires européennes du Sénat, rétablir ces rendez-vous post-Conseil européen car cette habitude s'était un peu perdue.

Le dernier Conseil européen a été essentiellement consacré à la lutte contre le terrorisme. Après les attentats de Paris et les tentatives déjouées en Belgique, les dramatiques événements de Copenhague viennent rappeler que la menace concerne l'Union européenne dans son ensemble. Certes, les États membres sont en première ligne pour y répondre car, comme le rappelle le traité de Lisbonne, ils exercent les responsabilités premières en matière de sécurité. Cela ne doit toutefois pas conduire à sous-estimer tout l'intérêt de l'action européenne dans ce domaine.

C'est pourquoi la commission des affaires européennes du Sénat mène actuellement des travaux en lien avec la commission des lois. Sur le rapport de M. Simon Sutour, nous avons adopté une proposition de résolution européenne demandant la mise en place d'un PNR européen accompagné des garanties indispensables pour la protection des données personnelles. Nous adopterons par ailleurs, le 18 mars prochain, une proposition de résolution européenne plus globale qui rassemblera les différentes propositions de nos rapporteurs.

Nos concitoyens nous demandent d'agir vite pour assurer leur protection et défendre nos valeurs. Nous devons répondre à leur attente au niveau national mais aussi européen. Si nous tardions, ou si nous apportions des réponses manquant de clarté, nous les décevrions, ce qui serait dramatique. Quelles sont les décisions prises par le Conseil européen ? Peut-on attendre qu'elles trouvent rapidement une traduction opérationnelle ? M. Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, que nous recevions il y a un instant, citait M. Alain Lamassoure, député européen, qui considère, à juste titre, qu'un PNR européen est préférable à vingt-huit PNR nationaux. M. Frans Timmermans a également eu raison d'affirmer que Schengen et Frontex ne sont « pas le problème, mais une partie de la solution ». M. Pierre Lequiller l'a interrogé sur les moyens financiers dont dispose Frontex. Il semble indispensable de les renforcer car cette structure souffre d'une réelle carence en la matière - il suffit de la comparer avec le dispositif en vigueur aux États-Unis.

La situation en Ukraine nous préoccupe tous. Nous saluons les résultats de la réunion de Minsk, mais nous en connaissons aussi la fragilité. Au-delà du cessez-le-feu, qui doit être pleinement respecté et mis en oeuvre, il faut trouver une solution pacifique durable. Peut-on escompter une mobilisation de l'Union européenne dans ce sens ?

La Grèce retient aussi toute notre attention. Nous devons trouver un accord réaliste sur ce sujet car les contribuables français sont directement concernés. La raison est aujourd'hui en train de l'emporter sur les passions. Se faire élire sur des propos aussi démagogiques que ceux tenus par Syriza durant la campagne électorale devait donner lieu à une clarification. Disons qu'elle commence maintenant à se faire !

Comment se sont déroulés les contacts entre le nouveau Premier ministre grec et les chefs d'État et de gouvernement ? Peut-on s'attendre à un règlement satisfaisant ? Ce matin, au Sénat, nous avons rappelé que l'Union européenne avait été à la hauteur de la crise grecque, avec notamment un abondement de près de 321 milliards d'euros. Dès son adhésion, la Grèce a bénéficié d'un solde budgétaire positif avec l'Union, et depuis dix ans, il se monte à 5 milliards d'euros par an, correspondant à des crédits de fonds de cohésion et de politique agricole commune. Le problème grec n'est donc pas dû au dysfonctionnement de l'Union européenne mais au fonctionnement de cet État. Le travail d'Eurostat a, par exemple, toujours été effectué avec rigueur et discernement : ce sont les chiffres fournis par la Grèce qui étaient tronqués. Certains des parlementaires que nous avons rencontrés, le 4 février, à Riga, venant de pays qui se sont trouvés dans l'obligation de consentir de réels efforts pour entrer dans l'épure de l'Union - je pense à Chypre, au Portugal, à l'Espagne, à l'Irlande ou aux pays baltes - ne comprendraient pas que nous montrions la moindre faiblesse à l'égard de la Grèce. Si les querelles sont aujourd'hui principalement sémantiques, il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons nous permettre aucun relâchement. Cela serait très mal interprété, et cela signifierait surtout que les montants engagés par notre pays - la caution de la France approche les 63 milliards d'euros - risqueraient de peser directement sur les épaules de ses contribuables.

L'avenir de l'Union économique et monétaire doit également nous mobiliser. M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a présenté aux chefs d'État et de gouvernement une note d'analyse à ce sujet lors du Conseil européen en préalable au rapport que les quatre présidents - Commission, Conseil, Eurogroupe, et BCE - remettront lors de la réunion du mois de juin prochain. À ce stade, que peut-on retenir des échanges sur ce sujet au sein du Conseil européen ?

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