M. le secrétaire d'État considère à juste titre qu'il ne faut jamais trahir la démocratie, quelle que soit la façon dont les peuples s'expriment. À titre personnel, je me permets d'ajouter qu'il est heureux que nous ayons affaire à M. Tsípras plutôt qu'aux représentants d'Aube dorée, parti qui se déclare ouvertement nazi. En Europe, aujourd'hui, tous les partis de gouvernement, qu'ils soient de droite ou de gauche, souffrent de la crise économique et leur influence fond parfois assez rapidement - je pense au cas de l'Espagne, du Royaume-Uni, et même de la très modérée Suède où surgissent des partis populistes.
Nous devons aider le gouvernement grec sans toutefois le dispenser de mener de considérables efforts structurels. Cela dit, pour bien connaître la Grèce où j'ai travaillé, je reste inquiet. Nous savons que les résistances à la réforme peuvent être très fortes : nous venons d'en faire l'expérience cet après-midi à l'Assemblée nationale, alors qu'il ne s'agissait pas de fiscaliser toute une population, ou de ramener le prix du kilomètre de route à celui pratiqué partout ailleurs - la « part des anges » renchérit considérablement le coût des infrastructures grecques. Il faut bien comprendre que les réformes à mener en Grèce sont considérables, d'autant qu'elles concernent aussi les religieux auxquels il n'est manifestement pas si facile de toucher aujourd'hui... Que dit très précisément le gouvernement grec des véritables problèmes de fond que constituent la corruption généralisée et l'évasion fiscale comme sport national ? Sur ces sujets, M. Tsípras devra jouer à contre-emploi par rapport à ce que la population grecque semble attendre de lui : y est-il prêt ? Ces questions ont-elles été posées directement, ou s'est-on contenté d'échanges policés en langage diplomatique ?
Je souhaite par ailleurs connaître l'incidence de l'arrivée de M. Tsípras autour de la table du Conseil concernant la gestion de la crise ukrainienne et les relations avec la Russie ? Le Premier ministre grec s'est empressé de mettre en avant un lien privilégié avec ce pays ami orthodoxe - ce qui est assez curieux de la part du dirigeant d'une organisation politique très laïque. Je suis de ceux qui restent modérés quant à l'attitude à adopter à l'égard de la Russie, mais je reconnais que M. Vladimir Poutine pourrait ne pas être effarouché par l'idée d'une légère déstabilisation de l'Europe de l'intérieur, ce qui pourrait nous gêner considérablement.