Les relations entre l'Union européenne et la Turquie ont débuté en septembre 1963 par la signature d'un Accord d'association organisant l'établissement progressif d'une union douanière. Cet accord prévoyait l'examen par les parties contractantes de la possibilité d'une adhésion de la Turquie à ce qui est devenu l'Union européenne.
Dans ce cadre, la Turquie a déposé sa candidature en 1987 et s'est vu reconnaître le statut de « pays candidat » par le Conseil européen d'Helsinki en décembre 1999.
Depuis, si sur le plan économique, l'Union douanière a facilité le développement des échanges, sur le plan politique, les négociations d'adhésion semblent bloquées et le dialogue n'a repris qu'à la suite de la crise migratoire.
Tout d'abord, les relations entre l'Union européenne et la Turquie sur le plan économique sont satisfaisantes. En 2015, l'économie turque affiche un taux de croissance de 4% et le ratio dette publique sur produit intérieur brut est passé de 70 % en 2000 à 33 %. Toutefois, l'inflation est à 7,5 % et le déficit public avoisine 4% ce qui peut poser un problème, d'autant plus que les infrastructures pour attirer les investisseurs étrangers sont financées par des partenariats publics-privés, dont nous connaissons les risques. L'économie grise reste importante et se développe avec l'arrivée des réfugiés de Syrie ou d'Irak. Dans ce contexte, l'Union européenne reste le premier partenaire économique de la Turquie. En effet, 37 % des importations et 43% des exportations turques en 2014 correspondent à des échanges avec l'Union européenne. En parallèle, la Turquie est la quatrième destination des exportations européennes.
Les flux d'investissements directs étrangers sont freinés par l'instabilité politique, la faiblesse de la devise, l'inflation, la proximité avec les conflits du Moyen Orient et les interrogations relatives au non-respect de l'état de droit. Toutefois, l'Union européenne reste le premier investisseur même si la Chine et le Japon s'intéressent davantage à la Turquie.
La situation est différente sur le plan politique. Les négociations d'adhésion ont débuté en octobre 2005. Elles portent sur trente-cinq chapitres. À ce jour, quinze chapitres seulement ont été ouverts. En comparaison, les négociations avec la Croatie ont également débuté en octobre 2005 et ce pays a adhéré à l'Union européenne le 1er juillet 2013.
Cette situation s'explique en partie par les relations difficiles entre la Turquie et Chypre, la question de la réunification de l'île tardant à être résolue. C'était le sujet d'une communication récente de Didier Marie.
De ce fait, l'ouverture de quatorze chapitres est bloquée. En effet, le Conseil européen a gelé l'ouverture de huit chapitres de négociation en décembre 2006, à la suite du refus de la Turquie d'appliquer à Chypre le protocole d'Ankara qui étend l'Union douanière aux États devenus membres de l'Union européenne en mai 2004. En outre, Chypre a gelé de manière unilatérale l'ouverture de six autres chapitres en 2009.
Dès lors, si on ajoute à cela trois chapitres que la Turquie ne souhaite pas ouvrir pour le moment, on comprend mieux pourquoi le processus d'adhésion est bloqué.
Ce n'est qu'à la suite de ce que l'on a appelé la crise des migrants que les discussions ont véritablement repris entre l'Union européenne et la Turquie. En effet, 1,5 million de réfugiés, fuyant notamment la guerre en Syrie, sont arrivés en Grèce en 2015 via la Turquie. Les autorités grecques ont vite été débordées par cet afflux de migrants qui a occasionné de nombreux naufrages. Il était donc urgent d'agir !
Un premier sommet a eu lieu le 29 novembre 2015 entre l'Union européenne et la Turquie pour mettre en place un plan d'action conjoint visant à limiter le flux de migrants en provenance de Turquie. En contrepartie, l'Union européenne s'est engagée à débloquer une enveloppe de 3 milliards d'euros pour aider les réfugiés sur le territoire turc, à ouvrir le chapitre 17 relatif à la politique économique et monétaire et à relancer le processus de libéralisation du régime des visas. Mais ce premier accord n'a pas permis d'obtenir les résultats escomptés.
Le 18 mars 2016, un deuxième sommet a été organisé et un nouvel accord a été conclu. Il prévoit le retour en Turquie de tout nouveau migrant arrivant illégalement en Grèce et la réinstallation d'un Syrien présent en Turquie sur le territoire de l'Union européenne pour tout Syrien renvoyé en Turquie dans ce cadre, selon le principe du un pour un. Par ailleurs, la Turquie s'engage à mieux contrôler ses frontières.
Cet accord semble porter ses fruits puisque l'on est passé de 1 060 arrivées par jour en moyenne à 133. Mais il comporte des contreparties. Tout d'abord, une aide supplémentaire de 3 milliards d'euros pourra être débloquée lorsque la première enveloppe de 3 milliards accordée lors du sommet du 29 novembre sera épuisée. Celle-ci est financée pour un tiers sur le budget de l'Union et pour deux tiers par les États membres. Ces sommes sont directement versées aux associations humanitaires locales par la Commission européenne et correspondent au financement de projets précis. Le risque demeure toutefois que les associations ne puissent se constituer ou recevoir des fonds librement dans un pays où la liberté d'association est de plus en plus contrôlée. À ce jour, seuls 200 millions d'euros ont été débloqués. Il faut tout de même rappeler ici que la Turquie accueille 2,7 millions de réfugiés syriens et environ 300 000 Irakiens.
Quant à l'ouverture du chapitre 33, elle est anecdotique car il s'agit là d'un chapitre que l'on ouvre généralement à la fin des discussions d'adhésion pour régler les contributions du pays adhérant au budget de l'Union. En revanche, la libéralisation du régime des visas apparaît comme la véritable contrepartie de cet accord. Jean-Yves Leconte va aborder cette question et la situation des droits de l'Homme en Turquie.