Intervention de Philippe Etienne

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 avril 2013 : 1ère réunion
Institutions européennes — Audition de M. Philippe étienne représentant permanent de la france auprès de l'union européenne

Philippe Etienne, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne :

Merci pour votre accueil. C'est vrai que la représentation permanente et le SGAE sont deux services jumeaux d'un même système interministériel réputé pour son efficacité. La représentation permanente reçoit ses instructions du SGAE et des services du Premier ministre. Petite administration délocalisée à Bruxelles, elle comprend des fonctionnaires de différents ministères, qui tous travaillent pour le Gouvernement dans son ensemble, ce qui lui donne une grande richesse.

Nous sommes en relation avec les antennes du Sénat et de l'Assemblée nationale. Une de nos tâches est d'ailleurs l'accueil des délégations parlementaires. L'importance du travail parlementaire dans la construction européenne est croissante, comme en témoigne la récente conférence des Parlements à Chypre.

Nous sommes une structure de négociation, comparable dans son organisation à celles des autres États membres, puisque nous agissons dans les mêmes enceintes de négociation : Conseil des ministres, Conseil européen... Les négociations européennes sont de plus en plus complexes, et ne se jouent plus exclusivement dans les salles de réunion, mais en amont ou en parallèle. A cet égard, les contacts avec le Parlement et la Commission sont essentiels. Nous rendons compte régulièrement au SGAE de l'état des positions. Nous faisons aussi le lien avec les intérêts français, et sommes en contact permanent avec nos entreprises, ainsi qu'avec les collectivités territoriales françaises - toutes les régions sont à présent représentées à Bruxelles. Nous adoptons pour cela les instruments créés dans le nouveau cadre de la diplomatie économique annoncée par le ministre des affaires étrangères lors de la dernière conférence des ambassadeurs. Nous développons enfin l'influence de la France, ce qui s'étend de l'usage de notre langue à la présence de fonctionnaires ou d'experts nationaux français dans les institutions européennes, comme par exemple dans le nouveau service européen pour l'action extérieure. Nous exerçons enfin une mission de communication et de veille sur le débat d'idées : il y a de nombreux think tanks à Bruxelles, et nous nous efforçons de surveiller les thèmes susceptibles de donner lieu à des initiatives législatives.

La représentation permanente compte moins de deux cents personnes ; nous partageons nos locaux avec la représentation au Comité politique et de sécurité et la représentation militaire française. Nous serions très honorés de vous y recevoir : cela complèterait utilement votre visite du SGAE ! Je vous propose d'évoquer d'abord le cadre financier pluriannuel, puis la politique commerciale et les accords de libre-échange, mais je pourrai aussi répondre à vos questions sur d'autres sujets, comme l'union économique et monétaire, ou l'union bancaire. Le fil rouge de notre action, c'est la croissance, au service de laquelle nous nous efforçons de réorienter tout ce que nous faisons.

Le Conseil européen est parvenu en février à un accord, qui doit à présent faire l'objet de négociations avec le Parlement européen. L'article 312 du traité prévoit en effet que le Parlement doit donner un avis conforme au volet dépenses, qui constitue proprement le cadre financier pluriannuel. Le processus doit aboutir à trois textes : un règlement portant cadre financier pluriannuel, un accord interinstitutionnel entre le Conseil, le Parlement et la Commission sur la procédure budgétaire, et une décision sur les ressources propres, qui devra être ratifiée par tous les parlements nationaux. Ces trois textes seront complétés par tous les règlements sectoriels qui sont actuellement en négociation.

L'accord des 7 et 8 février a été abondamment commenté. Les chefs d'État et de gouvernement se sont entendus sur un budget total de 908,4 milliards d'euros (en valeur 2011) en crédits de paiement, et de 960 milliards d'euros en crédits d'engagement. Ces montants ont pu sembler trop faibles, surtout pour un budget que nous voulions porteur d'investissements et de croissance. Élaborer un budget assez ambitieux pour financer de nouvelles politiques comme les politiques traditionnelles - qui sont aussi porteuses de croissance -, mais qui tient compte de la situation des États-membres, sur les budgets desquels il repose, c'est la quadrature du cercle ! De surcroît, nous devions tenir compte des intérêts spécifiques de la France. Le résultat obtenu est satisfaisant. Certes, les crédits de paiement sont en baisse de 3 %, en euros constants, par rapport à la période 2007-2013 ; mais leur valeur nominale augmente de 11 % - et nous calculons nos budgets nationaux en euros courants. D'ailleurs, les crédits de la période qui s'achève n'auront pas tous été dépensés : seuls 850 milliards d'euros l'ont été. Le véritable enjeu, c'est la flexibilité dans la gestion des crédits de paiement, qui permettra une augmentation des dépenses effectives.

La répartition des dépenses a été aussi critiquée, de manière parfois contradictoire : les mêmes exigent le maintien de la défense de l'agriculture et une réforme de la structure du budget européen en faveur de la recherche, de l'innovation et de l'aide aux PME. Le résultat est pourtant positif : les dépenses de recherche augmentent de 40 % en termes réels - et même de 167 % pour le budget consacré aux interconnexions, qui passe de 8 à 22 milliards d'euros. C'est moins que ce que la Commission avait proposé, certes, mais bien plus que ce qui existe. La part des dépenses de recherche passe de 9 % à 13 %, celle de la PAC se maintient à 39 %, en légère baisse. Le retour français sur le deuxième pilier (développement rural) augmente fortement, avec une enveloppe, en euros constants, de 8,8 milliards d'euros sur un total de 47,7 milliards d'euros. Notre enveloppe pour la politique de cohésion est aussi maintenue, alors que le budget global de cette politique a diminué - comme celui de la PAC. La logique aurait pu être de concentrer les fonds sur les pays les plus pauvres, mais nous avons réussi à stabiliser l'enveloppe française à 14,5 milliards d'euros (valeur 2011) : nous avons défendu la création d'une nouvelle catégorie de régions « en transition », qui concernera dix régions françaises, poussé à la création d'une initiative pour l'emploi des jeunes, qui bénéficiera largement à la France, défendu le maintien de l'enveloppe allouée à nos quatre régions d'outre-mer, et obtenu une enveloppe spécifique de 200 millions d'euros pour Mayotte, qui devient un département d'outre-mer et donc une région ultrapériphérique. Nous avons enfin obtenu le maintien du fonds européen d'aide aux plus démunis, avec un budget de 2,5 milliards d'euros, inférieur aux 3,5 milliards d'euros actuels, mais supérieur aux 2 milliards d'euros proposés par la Commission, ainsi que celui du fonds européen à la mondialisation.

Il n'y a aucun consensus entre les États pour créer de nouvelles ressources propres, comme le souhaitent la France, la Commission et le Parlement européen. Le système des chèques et des rabais, aussi opaque qu'injuste, a été largement maintenu, mais nous avons obtenu qu'il soit rééquilibré : c'est une économie de 840 millions d'euros pour la France. Le Parlement européen a exprimé sa position politique par une résolution le 13 mars à Strasbourg, mais il retarde le lancement de la négociation effective, contraignant la Présidence irlandaise à attendre pour lancer les trilogues. Il accepte implicitement les chiffres du Conseil, mais réclame un budget rectificatif pour 2013 d'un montant de 11,2 milliards d'euros - ce qui est le maximum réalisable à la majorité qualifiée - afin qu'il n'y ait pas de reliquat en 2014. Il veut davantage de flexibilité entre rubriques au sein d'un exercice annuel comme entre les exercices car les dépenses ont tendance à s'accroître pendant les dernières années. Il a demandé une clause de révision substantielle : il y a aura un nouveau Parlement en 2014, qui doit avoir son mot à dire, et un retour à meilleure fortune économique est toujours possible. Bien sûr, les États-membres sont réticents à voir trop vite remis en cause l'équilibre qu'ils ont trouvé. Le Parlement européen souhaite enfin qu'un accord soit trouvé sur un processus de discussion pour trouver de nouvelles ressources propres.

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